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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/139

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devient frappante. Deux mains peuvent soulever un gros marteau pour battre une enclume, mais, pour un travail délicat de serrurerie ou de menuiserie, l’emploi de la lime ou du petit maillet exige une seule main. Une seule main dirige le rabot, la scie ; l’autre ne fait qu’aider mécaniquement. En chirurgie, le grossier forceps peut bien exiger l’emploi de plusieurs mains, encore y en a-t-il une de dirigeante ; mais quel est l’oculiste qui oserait tenir et diriger à deux mains le petit instrument avec lequel il opère de la cataracte ? — La civilisation a même pour résultat de rendre moins fréquent le concours des deux images visuelles : pour viser avec une arme à feu, on ferme un œil ; de même, pour regarder à travers le télescope ou le microscope. — Quant à la préférence en général accordée à l’organe droit, l’explication de Bichat est, il faut en convenir, bien peu digne de lui. L’humanité a su coudre longtemps avant de savoir écrire, et on a toujours, je crois, généralement cousu avec une seule main quoiqu’il fût indifférent que la couture allât de droite à gauche ou de gauche à droite. Si les personnes illettrées se servent de la main droite pour la couture, ce n’est point certainement par imitation de la plume des écrivains, qui n’a nulle influence sur leur aiguille.

La vérité est que, non seulement l’explication donnée par Bichat de la symétrie bilatérale du corps, mais encore celles qui ont été indiquées plus haut, sont incomplètes. Par exemple, à quoi sert la symétrie des organes de la voix ? Il y a ici deux organes inverses séparés idéalement par la ligne médiane, mais tellement unis et soudés que leur accouplement est dissimulé. Il est réel pourtant, et cette dualité symétrique