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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/16

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pas dont il soit plus fréquemment parlé dans le langage courant, voire même dans les proverbes : « les extrêmes se touchent » ; mais il est remarquable que la spéculation philosophique, qui s’est attaquée à tant d’idées vulgaires pour les épurer au creuset de son analyse, et les généraliser en les épurant, n’a presque pas daigné ramasser sur son chemin la notion importante dont il s’agit. Elle s’en est servi, à coup sûr, comme tout le monde, mais sans la prendre à part et l’examiner à fond, sans l’étudier au point de vue le plus précis à la fois et le plus général, comme il convient à un philosophe. Les logiciens surtout ont montré ici, à l’exception toutefois de leur maître Aristote, dont nous parlerons plus loin, une inattention singulière. Quand Hegel, par exemple, nous déroule avec tant de sérénité son rosaire interminable de triades, il ne s’aperçoit pas que la thèse et l’antithèse qu’il oppose l’une à l’autre dans chacune d’elles, tantôt sont réellement des termes opposés, tantôt ne sont que des termes différents ; et il eût valu la peine, ce me semble, démarquer cette distinction. — M. Renouvier, en passant, dit un mot de notre sujet, mais non avec son habituelle profondeur. « Les contraires logiques, dit-il, sont des termes tels que l’un d’eux exprime tout l’autre ou l’ensemble des autres que l’autre ; exemples : l’organisé et l’inorganisé, qui comprennent une grande sphère de la connaissance ; ou le juste et l’injuste, qui n’épuisent qu’un sujet plus déterminé. » Les contraires, d’après lui, seraient donc des complémentaires, ce qui restreint singulièrement la portée de leur application. Est-ce qu’une dette de 100 francs de Pierre envers Paul n’est pas précisément le contraire d’une créance de même somme du