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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/170

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des innovations perpétuelles. « En un mot, la nature organique, aussi bien que la nature minérale, opère à la façon de l’industrie humaine. Elle aussi procède par un à-peu-près, par une tricherie perpétuelle, pour parler le langage des mécaniciens pratiques ; je veux dire en harmonisant des effets inconciliables en géométrie absolue. Ces arrangements approximatifs présentent d’ailleurs des degrés différents, des solutions multiples, dans la série des cristaux, aussi bien que dans la série des êtres vivants. Dans tout être, minéral ou vivant, destiné à une existence permanente, il se manifeste une certaine tendance vers les arrangements, les accommodations, les harmonies. Telle est aussi la règle nécessaire des sociétés humaines. » Ce que je retiens de plus net de ces considérations, si remarquables, c’est que la vie sociale aide à comprendre la vie organique et même la vie minérale. S’il en est ainsi, n’est-il pas permis de voir, dans les symétriques constructions des cristaux aussi bien que des êtres vivants, l’expression d’un esprit de coterie, mais de coterie envahissante, d’un exclusivisme collectif et conquérant, qui se traduit, dans nos sociétés, par le tracé géométrique des forteresses, par la symétrie des plans de bataille et des manœuvres militaires ?

Ce qu’il y a à noter aussi dans le passage que je viens de citer, c’est que la symétrie cristalline elle-même n’est jamais qu’approximative. C’est une pseudo-symétrie, qui, dans certains cas, devient une dissymétrie où une asymétrie véritable, et ce sont précisément les cas où la matière minérale, cherchant à se surpasser pour ainsi dire, devient apte à entrer dans les organismes vivants. À cette considération