Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/179

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cette croyance émouvante et plus ou moins voulue, enracinée des l’enfance, a un ton sentimental, un timbre psychique pour ainsi dire, qui la distingue fortement de la foi scientifique. Mais, pour continuer la métaphore, faites abstraction des harmoniques qui constituent le timbre, et nous retrouvons le même son fondamental à des degrés différents d’intensité. Pourquoi ne pas dire aussi bien que la conviction d’un géomètre aveugle, quand il expose un théorème, n’a rien de commun avec la conviction de ses élèves doués de la vue, parce que ceux-ci imaginent visuellement et celui-là tactilement le cube ou la sphère dont ils parlent ?

Je n’ai pas à rechercher les conditions cérébrales, physiologiques, de la croyance et du désir. C’est l’affaire des physiologistes. Il se peut que ces conditions soient très complexes, ce qui n’empêcherait nullement ces deux actes d’être subjectivement des faits premiers et indécomposables, d’où il faut partir en psychologie et en sociologie. Schopenhauer a pu, avec l’assentiment de la science, résoudre en désirs, sous le nom de volontés, toutes les forces motrices et fonctionnelles de la nature. Il aurait tout aussi aisément universalisé la croyance. C’est surtout quand on arrive à la science sociale, que le caractère primitif, quantitatif, irréductible, de la croyance et du désir, leur omniprésence et leur importance majeure, se laissent clairement apercevoir. Il n’est peut-être pas de meilleur contrôle de la psychologie que la sociologie. Pour parler avec plus d’exactitude, la psychologie n’est rien, si ce n’est ce que la biologie et la sociologie ont de commun. Elle a deux faces, la face psychophysiologique et la face psychosociologique. Les psychologues, jusqu’à ces