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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/194

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résout ainsi l’intensité de la sensation en « des degrés de perceptibilité » plus ou moins nombreux.

Je sais bien que la loi de Weber a été battue en brèche ; mais je n’ai pas ici à me préoccuper de sa vérité, que je regarde cependant, soit dit en passant, comme très supérieure à celle d’autres lois, par exemple de la loi de Malthus, qui affectent la même élégance mathématique. Tout ce que j’en retiens, c’est qu’aux yeux de la plupart des psychologues contemporains, l’intensité des sensations, lumineuses ou sonores notamment, a été regardée comme une quantité digne d’être mise en regard des quantités physiques qui les suscitent. Ce n’est pas que de fortes objections n’aient été invoquées contre cette manière de voir. On a fait remarquer que tout changement de degré, ou prétendu tel, en fait de lumière, de son, de pression, de chaleur ou de froid, et, à plus forte raison, d’odeur ou de saveur, est un changement de nature, d’abord inaperçu peut-être, mais bientôt manifeste. On a même pu dire que nulle sensation ne se répète, puisque sa soi-disant répétition même l’empreint d’une tonalité nouvelle qui l’altère ; on a pu ajouter que nulle sensation, par suite, ne dure, puisque sa durée serait une répétition continue d’elle-même et qu’en fait, son prolongement, accompagné d’un épuisement nerveux, est la vaine apparence de son renouvellement perpétuel et imperceptible. Grande est la force de ces arguments et d’autres du même genre, et, quand on l’oppose à l’évidence non moins grande de certaines augmentations ou diminutions lumineuses, sonores, tactiles, on se trouve dans un inextricable embarras, à moins d’admettre que la sensation, chose purement qualitative en elle-