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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/200

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dont nous souffrons, et nous sentons très courte une névralgie de durée égale dont quelqu’un qui nous est indifférent souffre près de nous. Pourquoi notre douleur nous semble-t-elle très longue ? Parce qu’elle est une série -en apparence continue, mais en réalité discontinue, — d’élancements courts et vifs séparés par des calmes relatifs, en d’autres termes, d’actes de répulsion, de désirs négatifs, et que ces élancements sont à la fois très nombreux et très intenses. S’ils sont nombreux et faibles, ou forts mais clairsemés, la douleur semble moins longue ; et, s’ils sont rares et faibles, elle paraît courte. C’est précisément la raison pour laquelle nous jugeons brève la souffrance d’autrui, que nous repoussons faiblement et rarement. Mais si, par une sympathie vive, qui fait l’effet du microscope de tout à l’heure, nous sentons le contrecoup direct de chacun des actes de répulsion émis par le patient, la durée décuplée de sa douleur se met à peser aussi sur nous.

Ne dirait-on pas qu’après avoir objective en notions de matières nos actes de perception, nos sensations, nos images et leurs combinaisons, nous avons objective en notion d’espace notre faculté même de percevoir, c’est-à-dire d’affirmer et de nier, de reconnaître et de discerner, de coordonner logiquement et systématiquement, et que nous avons conçu, comme objet propre du moi judiciaire, cette possibilité de toutes les coexistences et de toutes les coordinations, où se reflète et se projette, immensément agrandie, notre propre virtualité de systématisation ? Et ne dirait-on pas aussi bien qu’après avoir objective en notions de forces nos efforts, nos vœux, nos actes de désir, nous avons objective notre