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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/228

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étant parvenu à triompher de ses rivaux, le conflit s’élève en nous entre les différents moyens de le réaliser, c’est-à-dire entre les divers syllogismes téléologiques qui, ayant pour majeure le même désir, mais pour mineure un acte différent, ont pour conclusion l’idée d’une décision volontaire à prendre. La plus forte de ces décisions concurrentes, celle dont la mineure est affirmée avec le plus de certitude, à la suite de la bataille appelée délibération, prévaut et s’accomplit.

Mais revenons aux humbles débuts de notre vouloir, si simple qu’il tient encore du réflexe et de l’acte instinctif. Bien rare alors est la lutte des désirs, mais rapidement se précise et s’accentue, dans les circonstances usuelles de la vie, le lien de cause à effet, interverti en rapport de moyen à fin. À mesure que se multiplient ainsi les expériences et les jugements de l’esprit, le désir réfracté en vouloir se dissémine aussi et, sans perdre beaucoup de son intensité première, se répand à la fois sur beaucoup d’objets. Pourquoi ? Parce que, en se médiatisant, il se mobilise et se transporte ; et, à force d’avoir voulu A en vue de B qu’on désire uniquement, on finit par désirer A pour lui-même. On commence, il est vrai, par n’aimer dans l’idée d’un acte que la possibilité des sensations agréables qu’elle est jugée renfermer, mais bientôt cet acte est désiré immédiatement, et, de la sorte, un désir qui n’a plus rien de sensitif est né d’une volition. Puis ce désir supérieur servira lui-même de majeure à un syllogisme subconscient dont une volition supérieure sera la conclusion, et celle-ci à son tour se transformera par habitude en un désir d’un degré plus élevé