Aller au contenu

Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un autre grand couple de sentiments-croyances opposés nous est offert par l’espérance et le découragement. Bain, en effet, a raison de dire que « le contraire de l’espérance est le découragement, le désespoir, non la crainte » qui est un sentiment-désir. Le découragement, ajoute-t-il, « est aussi une croyance, mais s’appliquant aux malheurs futurs ». L’état zéro, c’est, ou plutôt ce serait une attitude de doute à l’égard des éventualités heureuses ou malheureuses de l’avenir. En réalité, nous espérons toujours, même dans l’abîme des plus grands périls ; et l’espérance est le grand ressort de la vie humaine, auquel il serait ridicule de comparer le désespoir, qui ne lui fait jamais contrepoids. Inutile d’insister sur des vérités si connues.

En dirai-je autant de l’admiration et du mépris ? Non. La symétrie de ces deux sentiments contraires est aussi importante qu’évidente : ils alternent ou collaborent dans la création des institutions et des États, et on ne saurait dire si c’est en imitant les voisins qu’ils admirent ou en se gardant d’imiter les voisins qu’ils méprisent, que les individus et les peuples travaillent le plus efficacement au déroulement de leurs destinées. Ces deux sentiments sont solidaires : sans le mépris de telle classe ou de telle nation, on n’admirerait point, on n’imiterait point telle autre. Et la civilisation a, ce semble, pour effet de les exagérer parallèlement : dans ses foules agrandies, dans ses masses à la fois plus étendues et plus compactes, elle suscite des acclamations ou des huées dont l’écho se prolonge, et, avec elles, des accès d’engouements et de dénigrements pareillement extraordinaires, des renommées en bien ou en mal également surfaites. La