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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/275

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de la terre comme je vois une hirondelle tourner sur un lac ». (Essais et mélanges sociologiques, p. 248. Je m’excuse de me citer ainsi moi-même, pour m’éviter d’inutiles répétitions.)

L’amour donne lieu à bien des auto-combinaisons du plaisir et de la douleur. Dans le triomphe de l’amant, il y a la joie de ses sens et la joie que son cœur et son amour-propre éprouvent de les ressentir ; à l’inverse, l’amant abandonné a l’amour-propre et le cœur souffrants de la souffrance de ses sens qui ne seront plus satisfaits. La sympathie sociale n’est pas autre chose, en somme, que le plaisir d’un plaisir ou la douleur d’une douleur. L’antipathie est le plaisir d’une douleur et la douleur d’un plaisir.

Pas plus dans le cas des combinaisons réciproques que dans celui des auto-combinaisons dont il s’agit, il n’y a d’opposition psychologique véritable. Il y a opposition psychologique lorsque le même objet, vu sous le même rapport, est désiré et repoussé, c’est-à-dire est agréable et pénible ; et il ne saurait l’être à la fois que par deux individus distincts, non par une même personne. C’est donc seulement sous leur forme sociale que les combinaisons de la douleur et du plaisir, non leurs auto-combinaisons, peuvent être regardées comme renfermant des oppositions. Quand deux hommes se sont antipathiques, ce que l’un désire est précisément ce que l’autre repousse ; et, en ce sens, présentés en ces termes de désir et de répulsion, le plaisir que goûte l’un à la peine de l’autre et la peine de celui-ci éprouve au plaisir de celui-là sont de parfaits contraires. Aussi est-il à propos de remarquer de nouveau la fécondité croissante de la sympathie,