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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/277

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de lutte et de guerre, les deux coéchangistes gagnent à la fois, quoique inégalement ; il est extrêmement rare que l’un ne trouve aucun genre de bénéfice à l’opération qu’il a consentie. Il en est ainsi dans les périodes de civilisation ascendante. La question reste, il est vrai, de savoir si elles n’appellent pas inévitablement des périodes de déclin, et si le rythme de la joie et de la tristesse, chasse de la vie individuelle, ne reparaîtrait pas agrandi dans la vie collective. C’est possible, mais non certain. Rien de régulier, en tout cas, ne se laisse apercevoir dans ces alternatives, et elles ne semblent servir qu’à mettre en relief l’originalité des peuples, qui, comme la beauté d’une statue, doit être éclairée successivement de plusieurs côtés, à droite et à gauche, pour être saisie en entier. Ce qui importe, ce qui va s’accentuant par le progrès historique, c’est moins la prédisposition, très variable, des divers peuples à l’optimisme ou au pessimisme, à la gaieté ou à la sombreur, que la tonalité propre et comme le timbre psychique de leur tempérament optimiste ou pessimiste. Et c’est en se combinant, comme nous l’avons dit, avec le reflet des tempéraments voisins ou inverses, que chacun de ces tempéraments se nuance de la sorte et se complique par l’effet de la culture intense. Comparée aux littératures antiques, toutes en sentiments relativement simples, gais ou tragiques, la riche orchestration de nos littératures modernes, harmonie de dissonances, voix nationales timbrées des échos de cent autres nations, exprime bien cette mutuelle réflexion des âmes et des races et ce repli de chacune d’elles sur elle-même, en vue de leur croissante accentuation. L’attrait de la mélancolie, le savourement des amertumes de la