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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/305

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deux termes[1]. Si la chose se présente ou se représente comme formant unité, elle n’est qu’un terme ; il reste à trouver l’autre, qui permette aux deux d’exister. Mais plusieurs chemins peuvent conduire l’esprit à sa découverte. Il peut, (par une objectivation inconsciente de son côté-désir) chercher ce terme dans le temps passé ou futur ; si c’est dans le passé, ce second terme sera posé comme une cause ; si c’est dans le futur, comme effet ou comme fin. Mais, si l’idée du temps n’intervient pas, le besoin de l’esprit se satisfera également, c’est-à-dire passagèrement et pour un instant toujours. Conçu comme simultané, ce second terme sera jugé le genre dont le premier sera l’espèce, ou l’espèce dont le premier sera le genre ; ou bien, variété importante de la même distinction au fond, il sera jugé la substance dont le premier sera le phénomène, ou le phénomène dont le premier sera la substance ; autant dire, dans les deux cas, le modèle dont le premier sera la copie ou la copie dont le premier sera le modèle[2]. Ainsi, par la voie de la causalité comme par celle de la classification hiérarchique des genres et des espèces, ou des substances et des phénomènes, l’esprit poursuit sa propre satisfaction, mais toujours en vain[3], car, lancé dans l’une ou dans l’autre, il lui est impossible de s’arrêter, et l’enchaînement

  1. Pour la lutte comme pour l’amour, il faut être deux et n’être que deux ; pour le travail, ou peut être plus nombreux ou être seul. Pour la pensée, il faut deux termes ; en cela la pensée se présente comme un amour ou une lutte interne, plutôt que comme un travail.
  2. L’espèce (species) est l’apparence du genre, le phénomène du genre.
  3. Je vois une poire ; pour que cette impression visuelle entre réellement dans ma pensée et en fasse partie, il faut que je la rattache à autre chose. Si je songe à la fleur qui l’a précédée, je dirai : Cette poire provient de cette fleur. Mais le plus souvent je l’accouplerai à une idée plus générale, et je me