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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/361

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croirai pas avoir perdu mon temps si je parviens à faire apercevoir le peu de fondement de ce préjugé populaire, adopté par la plupart des esprits systématiques, et d’autant plus irrésistible qu’il est plus irréfléchi. Mme de Sévigné, quand elle disait : « Racine passera comme le café » était certainement, comme tout le monde, abusée par le mirage de l’idée d’opposition. Elle se persuadait qu’un succès régulier et rapide devait nécessairement aboutir à une défaveur régulière et rapide aussi. Elle s’est trompée : après avoir longtemps grandi, le rayonnement littéraire de Racine a atteint son zénith où il se maintient, et où il ne donne pas le moindre signe d’affaiblissement, pas plus que la renommée de Shakespeare et de Corneille. Quant au café, son usage continue à se répandre en France, ainsi que celui du tabac, et il est peu probable, d’après l’exemple des peuples voisins, que ce tonique et ce narcotique, après avoir atteint une certaine limite, reviennent à reculons jusqu’à leur point de départ. Ils ne la dépasseront pas, voilà tout.

Une pierre tombe dans un lac, on voit les ondes circulaires s’étendre, se multiplier en s’élargissant, ne jamais revenir d’elles-mêmes sur elles-mêmes. Si elles rétrogradent, comme les ondes sonores de l’écho, c’est qu’elles ont heurté un obstacle avec force ou que l’expansion d’une autre série d’ondes les aura refoulées partiellement. — Une espèce, une race nouvelle de plantes naît quelque part, progresse peu à peu, et tend à progresser indéfiniment jusqu’à ce qu’elle ait rempli toute la région où sont circonscrites les conditions de son développement ; et cet équilibre stable, stable et mobile, est destiné par nature à durer toujours. Si cette espèce recule un