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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/379

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il faut lui faire sa part de vérité, circonscrire l’utilité relative et subordonnée de la lutte sous toutes ses formes, distinguer entre ses formes, et interpréter comme il convient, là où elle apparaît, sa nécessité temporaire.

Il est certain que le monde social, sous tous ses aspects, fourmille de conflits ; mais les sociologues se sont trompés en n’y cherchant que de grandes oppositions volumineuses et peu nombreuses ; il y a, avant tout, dans la vie sociale habituelle, d’innombrables petites oppositions qui se posent et se résolvent à chaque instant et qui ont une tout autre importance que les batailles rangées, voire même que les débats parlementaires. Ce sont les duels logiques et téléologiques[1] à la suite desquels, entre deux expressions verbales, l’une ancienne, l’autre nouvelle, d’une même idée, le parleur choisit l’une d’elles, — ou, entre un rite ancien et un rite nouveau, le fidèle fait aussi son choix, — ou le fabricant entre un ancien et un nouveau procédé, — ou le consommateur entre un ancien et un nouvel article répondant au même usage - ou le plaideur entre deux voies juridiques d’engager son action, — ou l’honnête homme entre deux devoirs contraires qui le sollicitent à la fois, et le malfaiteur entre deux tentatives criminelles simultanées, — ou l’artiste entre deux styles, deux écoles, deux prosodies. Dans les transformations graduelles d’une langue, d’une religion, d’une industrie, d’un droit, d’une morale, d’un art, les duels de ce genre ont une efficacité incontestable[2]. Mais ce sont la des

  1. Voir à ce sujet Lois de l’imitation chapitre sur les lois logiques de l’imitation ; et aussi : Logique sociale.
  2. En un autre sens, il est visifile que la lautfue, la religiou, le droit, etc.,