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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/41

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le jaune et le vert par exemple, étaient dans le même cas, l’une étant aussi généralement évitée que l’autre recherchée, nous les opposerions l’une à l’autre comme le noir et le blanc. — Autre hypothèse. Je suppose que j’éprouve un certain plaisir de fraîcheur à tremper ma main droite dans de l’eau à 18 degrés, mais que, l’eau venant à s’échauffer peu à peu, mon plaisir diminue jusqu’à 30 degrés, où il s’annule, et que de 30 a 38 degrés, il renaisse comme plaisir de chaleur, augmenté et redevienne enfin, à 38 degrés, égal à ce qu’il était. Y a-t-il là opposition psychologique ? Non, il n’y a que l’opposition mathématique du plus et du moins, si l’on a égard à la diminution, à l’annulation et à l’augmentation du plaisir ; mais il n’y a pas opposition du plaisir avec lui-même, il n’y a que sa répétition variée. Rien ne m’empêche de tremper ma main dans de l’eau à 18 degrés, et, immédiatement après, dans de l’eau à 38 degrés. Dans l’intervalle de l’un de ces plaisirs à l’autre, y aura-t-il eu nécessairement zéro de plaisir ? Nullement ; le désir aura duré en changeant d’objet. Au contraire, quand, à une température qui me plaisait, que je désirais retenir, succède brusquement une température qui me fait souffrir, que je repousse, je suis forcé d’admettre qu’entre cette satisfaction et cette douleur, entre ce désir et cette répulsion, s’est interposée une impression rapide d’indifférence.

On peut se demander si un rapport quelconque de changement n’implique pas l’interposition d’un état neutre. Quand une chose devient autre, s’altère, se différencie, ne peut-on pas dire qu’elle a dû cesser d’abord d’être ce qu’elle était avant de devenir autre ? S’il en était ainsi, l’altération