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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/450

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Faire coexister et vivre ensemble un grand nombre de croyances et de désirs infiniment divers et parmi lesquels il en est beaucoup de contraires ; pallier cette opposition ou la lever, ou la convertir en collaboration supérieure : tel est bien le problème social. Et, de tout temps, en tout pays, sa solution a été inconsciemment poursuivie en ce sens. Mais il s’agit d’achever à présent avec pleine conscience l’œuvre inconsciente du passé. Il faut donc, d’abord, rechercher, préciser, délimiter les oppositions vraies de désirs et de croyances, voir dans quelles conditions elles se produisent, quelles sont leurs diverses classes, et ensuite, leurs causes connues, agir sur celles-ci efficacement. Or, cette recherche, que, bien entendu, nous ne pouvons songer à entreprendre ici, aboutira certainement à apercevoir l’utilité, au moins transitoire, de certains objets imaginaires ou ultra-terrestres du désir et de la foi pour la conciliation des désirs et des idées terrestres. Mais ne sont-il conciliables qu’à ce prix

C’est là le grand problème religieux.

    seconde seule est destinée, je crois, à se développer chez les grands peuples. D’abord, et c’est fâcheux, le progrès de la vie urbaine a produit cette mutuellf surexcitation des sens qui fait que, dans certaines villes, le monde de la galanterie, chaque jour plus nombreux et plus bruyant, nous ramène sous des formes plus ou moins élégantes à la promiscuité — plus imaginaire que réelle — des temps primitifs. La vie mondaine elle-même, parfois, est-elle autre chose qu’une sorte de société coopérative d’amoureuse et voluptueuse consommation ? Mais, par bonheur, c’est sous forme symbolique que le commensalisme érotique reçoit ses développements les plus rapides, par la diffusion des œuvres littéraires et des œuvres d’art. Le roman, spécialement, a pour effet d’associer dos millions de lecteurs et de lectrices à la fois aux douleurs et aux joies de deux amants dont le sort les passionne. N’est-ce pas aimer ensemble que vivre ensemble, pour ainsi dire, le même amour, poétisé et vulgarisé ? Et la musique, quand un opéra en vogue la répand en inondation immense, amoureuse toujours, n’est-elle pas une communion des cœurs ?