Aller au contenu

Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les préjugés incarné, les passions héréditaires et constitutionnelles, les particularités historiques du milieu social où tend à se développer l’esprit d’un homme ou d’un peuple, n’entravent et ne rétrécissent pas moins son développement que les montagnes infranchissables, les vents réguliers, la latitude, les accidents du sol, ne mutilent l’épanouissement de la vie. La liberté à peu près complète - ou soi-disant complète - de tout penser et de tout dire, qui règne de nos jours sur quelques points du globe, nous fait oublier que, sur ces points mêmes, en un passé récent, un cercle étroit resserrait l’intelligence curieuse dans un mince domaine de recherches et de découvertes. Les innombrables dissidences partielles qui, dans un temps de pleine civilisation, se produisent à la fois et s’entre-obscurcissent, trop multipliées pour être remarquées, deviennent de véritables oppositions signalées à l’attention de tous et de terribles sources de discordes, dans des âges de civilisation fragmentaire, telle que la civilisation politique et artistique des Athéniens, la civilisation juridique des Romains, la civilisation théologique des Alexandrins ou des Byzantins. Quels sont les plus grands écarts que puisse se permettre la raison d’un chrétien d’Alexandrie, au IIIe siècle de notre ère ? Il est établi pour lui que le Christ est Dieu. Partant de là, il peut relâcher ou resserrer plus ou moins, entre certaines limites, le lien qui unit dans la personne du Christ la divinité et l’humanité. Ces deux limites sont, d’une part, l’arianisme qui tranche nettement la distinction des deux natures, d’autre part le sabellianisme qui les identifie. Entre ces deux doctrines s’interposent beaucoup de théories. Sous des noms différents, la même querelle fut ravivée par