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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/57

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temps de ces fatales scissions est passé, que leur dépolarisation est accomplie ? Sous quelque rapports, oui, mais non à tous égards. Dans les arts, dans les lettres, dans les sciences, en philosophie, en morale, en religion, ce progrès s’est opéré ou s’opère. On n’a point vu dans notre siècle la lutte de Pasteur contre Pouchet à propos de la génération spontanée, et encore moins le désaccord des théories du P. Secchi et de M. Faye sur les taches du soleil, diviser la science au même degré qu’au siècle dernier, la question de la vraie définition de la force vive. C’est que mille autres discussions théoriques se partagent en même temps l’attention et l’intérêt des savants. La littérature n’assiste plus à des batailles rangées comparables à celle des romantiques et des classiques en 1830 ; c’est qu’elle est plus libre, plus émancipée en toute direction, ainsi que l’art. Les idoles et les contre-idoles, comme l’ont été en d’autres âges les Épicure et les Zénon, les Platon et les Aristote, sont détrônés en philosophie. Les théories toutes personnelles que les philosophes se tissent maintenant, chacun dans son atelier, s’opposent encore deux à deux, et beaucoup plus radicalement qu’en des temps de culture moins générale, mais simultanément et, par suite, avec moins d’éclat.


Est-ce là un progrès sans mélange, et ne pourrait-on pas attribuer à l’indifférence cette absence de schismes profonds ? Il est à remarquer sans nul doute que le réveil littéraire, artistique, scientifique, d’une nation est toujours marqué par l’apparition de deux grands noms qui soutiennent quelque éclatant combat singulier, sous les yeux de la foule rangée en deux camps hostiles : Corneille et Racine, Ingres et Delacroix, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, etc. Cela est certain ; mais