Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dangereux mirage du spiritisme, se laissent aller sur cette voie glissante en oubliant les enseignements de l’Église et les engagements de leur baptême.

Les spirites actuels, — je parle ici de ceux qui font publiquement étalage de leur spiritisme et dont les adeptes ne croient pas ou feignent de ne pas croire à l’intervention diabolique dans leurs prestiges, — tiennent le raisonnement suivant :

« — De deux choses l’une : ou il faut admettre la possibilité des communications réelles des incarnés terrestres (des vivants) avec les esprits désincarnés (les âmes des morts) ; ou bien il faudrait prouver d’une manière péremptoire que jamais, depuis que l’humanité peuple le globe, aucune manifestation semblable n’a eu lieu. »

Le sophisme de cette argumentation saute aux yeux ; ce dilemme ne s’adresse qu’à ceux qui seraient en effet assez aveugles pour nier la réalité des communications spirites, non seulement de celles de nos jours, mais de celles qui sont attestées dans le passé par tous les témoignages les plus authentiques de la tradition, de l’histoire et même des livres sacrés. Je ne suis certes pas de ceux-là, et c’est au contraire en m’appuyant sur ces témoignages mêmes acceptés par les spirites, que je me fais fort de démontrer l’origine diabolique de ces communications, et le rôle non moins diabolique de tous ceux qui s’en font les propagateurs et les barnums.

Un coup d’œil rapide sur l’histoire de la nécromancie dans le polythéisme suffira pour mettre cette assertion en pleine évidence.

Voyons ce qu’étaient chez les Grecs et les Romains le culte des mânes et l’évocation des ombres des morts, qui en constituait un des principaux rites. Il me suffira, pour produire la conviction, d’exposer les faits.


On sait que les Grecs distinguaient trois classes de divinités : les divinités supérieures ou olympiennes, les echtoniennes ou terrestres, et les infernales. Au-dessous de ces divinités n’ayant d’humain que leurs passions et leurs vices, ils reconnaissaient des puissances inférieures, demi-dieux, démons ou génies, qui servaient d’intermédiaires entre les dieux et les hommes et dont ils peuplaient l’éther ou l’air. Ces puissances mystérieuses n’étaient, aux yeux des païens, que les âmes des « héros », devenus après leur mort les « démons bienfaisants », habitant sur la terre, « gardiens des mortels, dit Hésiode, et qui, voilés d’un nuage épais, parcourent la terre en tous sens, répandant les biens. »

Ces démons, dont parle Hésiode, étaient les héros de l’âge d’or. Mais la somme des maux égalant au moins sur la terre celle des biens, les païens voulurent voir, en opposition à ces démons bienfaisants, d’autres puissances surnaturelles, source de tous les maux qui assaillent l’humanité. Les âges qui suivirent l’âge d’or virent donc paraître ces génies terribles et malfaisants,