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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/167

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satisfaire sa curiosité, » il voulut être initié aux mystères d’Éleusis. Il arriva en Attique en mai 355.

L’idolâtrie, avec ses mystères diaboliques, s’était réfugiée à Éleusis, comme dans une espèce de forteresse. C’est là que le soir, après une journée passée aux écoles d’Athènes, on voyait Julien se rendre au temple de la déesse où siégeait le pontife le plus renommé de la Grèce, l’hiérophante, le correspondant actif de tous les philosophes asiatiques. « Il ne m’est pas permis, dit Eunape, de donner le nom de cet hiérophante, parce qu’il a initié l’auteur de ce livre aux arcanes sacrés. »

Saint Grégoire de Nazianze, alors condisciple de Julien, avec saint Basile, aux écoles d’Athènes, nous a laissé du futur empereur ce fidèle portrait :

« Il était d’une taille médiocre et avait les cheveux bouclés, la barbe hérissée et pointue, les yeux vifs et pleins de feu ; toute sa personne était bien formée ; mais les défauts de son esprit altéraient ce que la nature avait mis d’agréments dans ses traits. Sa tête était dans un mouvement continuel ; il haussait et baissait sans cesse les épaules. La vivacité de ses regards toujours errants et incertains avait quelque chose de rude et de menaçant ; sa démarche était chancelante. Il portait dans ses traits et ses éclats de rire un air de raillerie et de mépris. Des distractions fréquentes, des paroles embarrassées, et autres caprices, des questions sans ordre et sans réflexion dont il n’attendait pas la réponse, qui se croisaient les unes les autres sans méthode et sans solidité, marquaient assez les désordres de son âme. » — « Quel monstre l’empire nourrit dans son sein ! disait Grégoire en le montrant à ses amis ; fasse le ciel que je sois un faux prophète ! »

À dater de son initiation, il s’établit entre Julien et le chef de la théurgie, Maxime, l’union la plus étroite. Maxime fut son indispensable confident et le principal inspirateur de ses crimes.

« Je ne vis pendant votre absence, lui écrivait Julien, que dans le moment où je lis vos lettres ; nous sommes unis l’un à l’autre par des liens plus étroits que ceux de l’hospitalité. » Il est avéré que Maxime trempa, en effet, dans toutes les entreprises criminelles de l’apostat. Valentinien, parvenu à l’empire, se souvint que Maxime l’avait desservi auprès de Julien, et le fit enfermer ; relâché, il fut arrêté de nouveau comme magicien, et puni du dernier supplice pour avoir égaré Julien par ses conseils et ses prestiges.

Selon Eunape, Maxime, dans une de ses cérémonies magiques à Ephèse, lui avait formellement promis l’empire. Dès l’an 355 ou 356, dans une lettre à Thémistius, Julien exposait clairement ses secrets desseins : « J’ai besoin plus que jamais de votre secours et de celui des autres philosophes. Vous devez tous me seconder, puisque je combats à votre tête, et que je m’expose pour vous. Le monde attend avec raison que je ferai plus que n’ont fait Solon, Pittacus et Lycurgue. »