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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/182

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j’ai lu une histoire si étrange ! » et, là-dessus, il me rapporte un conte d’esprit relatif à la famille du lord X*** et dont j’ai depuis vérifié l’authenticité. Un portrait de la dame à qui le fait arriva existe encore dans la famille et on la nomme la dame au ruban noir. Le présent lord X***, qui est de la même famille, m’a dit aussi être né dans la chambre où l’esprit apparut.

« Mon ami Edwin me demanda si je croyais à l’authenticité du récit ; je lui répondis que je n’en savais rien, mais que j’avais entendu parler de choses aussi étranges. Nous convînmes alors que celui des deux qui le premier quitterait la terre se présenterait le troisième jour à l’autre, si toutefois Dieu le permettait. Nous lûmes un autre chapitre de la Bible, et nous prières pour l’accomplissement de notre double vœu.

« Un mois après environ, j’allai, avec ma famille, résider à Troy, dans l’état de New-York, situé à près de trois cents milles de Norwich, où Edwin habitait. Un soir, vers la fin de juin, j’étais allé passer la soirée avec quelques amis, et rien n’arriva durant cette soirée qui pût exalter mon imagination ou exciter mon esprit ; au contraire, je fus toujours dans un état fort calme. La famille s’était retirée dans ses appartements respectifs, et moi-même j’avais gagné ma chambre, si pleinement éclairée par la lune que la bougie était devenue inutile.

« Mes prières dites, j’étais assis sur le lit et me préparais à ramener le drap sur moi, lorsqu’une obscurité soudaine sembla envahir la chambre. Cela me surprit, car je n’avais pas vu un seul nuage dans le ciel.

« En regardant en haut, je vis la lune toujours brillante, mais de l’autre côté de l’obscurité, dont la densité redoubla jusqu’à laisser voir à travers elle une sorte de lumière dont je ne puis décrire le caractère, mais qui ressemblait à celle que moi et tant d’autres ont vue depuis dans des chambres illuminées par la présence d’un esprit. Cette lumière augmenta graduellement, et mon attention fut attirée au pied du lit, où se tenait mon ami Edwin.

« Il m’apparut dans une sorte de nuage lumineux qui éclairait sa figure, plus nettement dessinée que si la vie l’eût animée. Ses traits étaient les mêmes, à part un certain rayonnement, et la seule différence que j’eus à constater fut dans la chevelure qui était longue et roulait sur ses épaules en boucles ondoyantes. Il me regarda avec un sourire d’ineffable douceur ; puis, levant lentement son bras droit vers les cieux, il fit trois cercles dans l’air ; après quoi, la main, le bras, puis le corps lentement s’évanouirent.

« Alors la clarté revint dans la chambre ; je restai muet, et dans l’impossibilité de faire aucun mouvement, quoique j’eusse conservé toutes mes facultés.

« Aussitôt que j’eus recouvré le mouvement, je sonnai, et la famille, croyant que j’étais malade, s’empressa autour de moi. Je m’écriai : « J’ai vu Edwin,