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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/22

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remonte aux époques fabuleuses des plus anciennes traditions orientales. C’est une opinion, volontiers acceptée aujourd’hui, que les Égyptiens, Bohémiens, Gitanos, Zingari, Gypsies, qui ont importé cette prétendue science en Europe au xve siècle, sont tous originaux de l’Hindoustan.

En 1442, arrivait à Paris une troupe de Bohémiens à la figure basanée, aux cheveux noirs et crépus, parlant une langue inconnue de l’Europe. Ils furent logés au village de la Chapelle-Saint-Denis, où on alla les voir en foule. « Il y avait parmi eux, dit Pasquier, des femmes qui regardaient dans les mains. » Cette apparition fit à Paris une sensation profonde.

L’Église, toujours vigilante au salut de ses enfants, s’en émut, devina le danger et essaya de le prévenir. L’évêque de Paris excommunia cette horde sauvage et la fit chasser de la capitale. Eu vrais fils du diable et bravant l’anathème et la juste proscription, les Bohémiens se multiplièrent tellement dans toute la France qu’en 1560 les États d’Orléans jugèrent nécessaire d’en purger le royaume. Ils se réfugièrent en Allemagne, en Hongrie, et dans les autres parties de l’Europe, et ne cessèrent depuis d’y exercer leur métier de diseurs de bonne aventure.

On évalue aujourd’hui à 2.000 le nombre des Bohémiens errant sur la surface de la France, et leur nombre total en Europe à 700.000.

Leur industrie se répandit rapidement en France, grâce aux nombreux ouvrages, édités depuis l’origine de l’imprimerie[1], sur la matière, et qui devinrent bientôt populaires. La chiromancie fit une guerre ouverte à l’astrologie, et n’eut pas de peine à la détrôner dans l’estime du vulgaire. Un seul chiromancien, qui courut la France et l’Allemagne de 1597 à 1599, prétendit démontrer à 100.000 personnes qu’il était plus assuré de ses pronostications que tous les Généthliaques de son siècle. Il y eut cependant un essai de fusion entre ces deux sciences, et l’astrologie parvint à se glisser jusque dans la chiromancie. Chacune des régions de la main fut soumise à l’influence d’une planète.

Il suffirait de rapprocher les diverses théories des chiromanciens (on compte jusqu’à 433 systèmes différents) pour montrer combien elles diffèrent entre elles sur des points importants, et par conséquent combien elles méritent peu de créance. Si je fais à ces calembredaines l’honneur de les faire figurer dans cet ouvrage, c’est parce que je tiens à laisser au public catholique un ouvrage complet, et qu’il n’est pas inutile de combattre Satan même dans ses manifestations les plus puériles.

Avec d’Arpentigny et Desbarolles, vers 1856, la chiromancie a essayé de se relever de l’abjection dans laquelle elle était tombée, en revêtant des

  1. Un des premiers ouvrages sortis des presses d’Allemagne est un Traité de Chiromancie, attribué à Aristote.