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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/247

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Un article publié en 1863 par la Revue des Deux-Mondes cite le cas d’une vieille sorcière de Bornéo, accusée d’avoir fait périr une jeune femme, « en façonnant une image de cire qu’elle exposait chaque matin devant un feu doux. À mesure que l’effigie s’en allait fondant, la femme Lia, la rivale condamnée, de plus en plus pâle, de plus en plus fiévreuse, languissait et se fondait, elle aussi. »

« Et l’histoire assez connue, dit Pierre Le Loyer, du roi d’Écosse, Duffus, duquel Boèce, en ses Annales d’Écosse, parle, qui fut ensorcelé de quelques sorcières au moyen d’une image de cire qu’elles rôtissaient auprès d’un petit feu, et ne retourna ce roi à la convalescence, sinon lorsque les sorcières furent découvertes et brûlées. »

Les faits d’envoûtement se retrouvent donc à toutes les époques, et ne peuvent être niés sans donner un démenti à l’histoire. Aussi n’essaie-t-on pas de les nier, mais de les expliquer en les ramenant à de simples faits naturels.

Ceux d’entre les occultistes modernes qui prétendent n’avoir aucune relation avec le démon, ne veulent y voir qu’un effet naturel de la volonté humaine s’exerçant à distance sur un corps étranger, effet analogue, disent-ils, à celui qu’opère chez les stigmatisés l’influence de l’esprit sur la chair ; car, chez les stigmatisés du catholicisme, ils ne veulent voir qu’un effet d’auto-suggestion, se traduisant d’une façon toute matérielle. Ainsi, disent-ils, de même que chez les saints honorés du miracle de la stigmatisation, un François d’Assise, une Madeleine de Pazzi, ces traces visibles et tangibles de la Passion de Jésus-Christ marquées sur leur chair (ils ne vont pas jusqu’à nier ces faits indéniables) ne sont que des effets pathologiques produits par la force de l’émotion et de la volonté, de même il se peut que les phénomènes d’envoûtements ne soient aussi que le résultat d’une volonté malfaisante agissant à distance par sa force naturelle sur une personne désignée. Ils sont allés jusqu’à essayer de prouver la vérité de leur théorie par des expériences reproduisant les prodiges diaboliques des temps passés. On a vu le colonel de Rochas, administrateur de l’École Polytechnique, apporter une poupée de cire devant son auditoire, désigner l’une de ces auditrices comme devant ressentir l’impression des manipulations et sévices qu’il ferait subir à la poupée, traverser à plusieurs reprises le cœur et les bras de la figurine, et Mme X…, la personne désignée, éprouver dans son corps des sensations analogues. On raconte même que la séance terminée, et, tout le monde s’étant levé à l’exception de Mme X…, l’une des spectatrices prit la poupée dans ses mains et la retourna pour l’examiner dans tous les sens. On entendit alors Mme X… murmurer : « Vous n’avez donc pas fini de me faire souffrir ? »

Loin de moi la pensée de qualifier cette expérience de comédie et de la croire jouée par le colonel de Rochas et Mme X… pour émerveiller les