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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/3

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sur l’autre, ce serait évidemment le Dieu-Bon, notre dieu, puisqu’il est raisonnable, logique, d’espérer et de croire que le bien finira par triompher du mal ; Lucifer exceisus excelsior ! Par conséquent, Lucifer, que vous calomniez, vous catholiques, en l’appelant Satan le Déchu, connaît l’avenir aussi exactement qu’Adonaï. En d’autres termes, votre raisonnement est faux, parce qu’il est basé sur une erreur fondamentale, l’unité de la divinité ; erreur absolue aux yeux de quiconque, qui, se dégageant des préjugés, veut bien constater que, dans l’univers, tout atteste l’existence de deux principes contraires et éternels. »

Cette argumentation, que j’ai entendu cent fois développer en conférences palladiques, — et notamment, un jour, par un soi-disant esprit de défunt, évoqué, qui se donna pour l’empereur Julien l’Apostat en personne, — cette argumentation avait sa place ici, au moins en résumé.

Les palladistes nous renvoient le qualificatif d’aveugles ; mais on se demande à quelle aberration ils sont en proie, pour ne pas comprendre que les aveugles, ce sont eux. Et elle est formidable, leur cécité !

Rien n’est plus absurde, en effet, que le dogme palladique de la divinité double. Il a été triomphalement réfuté par les Pères de l’Église, par tous les théologiens catholiques, et nous savons par le Pape, qui est infaillible, par les conciles, que le Saint-Esprit inspire directement, qu’il n’y a qu’un seul et unique Dieu. Si Dieu, le nôtre, que nous proclamons le seul et unique, avait en Lucifer un rival égal en puissance, si l’un pouvait s’opposer aux décisions divines de l’autre et réciproquement, le secret de l’avenir n’appartiendrait pas davantage à Lucifer pour cela ; mais ni notre Dieu ni Lucifer ne pourraient répondre de l’accomplissement futur de tel ou tel événement décrété par l’un des deux ; cela est clair comme le jour. Donc, même en se plaçant une minute sur le terrain de la contre-théologie manichéo-gnostique pour les besoins de la discussion, même en accordant un instant d’attention à ce système aussi déraisonnable qu’impie, on est obligé de conclure que Lucifer ne possède pas, ne peut pas posséder la science de l’avenir.

Mais demeurons avec l’Église, en qui seule réside la vérité, l’éternelle et immuable vérité. En nous éclairant de ses lumières, nous ne nous égarerons pas dans le dédale de l’erreur. Or, l’Église nous enseigne que Lucifer ou Satan, comme on voudra l’appeler, n’est qu’un archange révolté, déchu à la suite de sa révolte contre le Dieu unique et seul éternel, et qu’il n’est qu’un instrument entre les mains du Tout-Puissant. Excelsus, appliqué à Dieu, telle est la vérité, selon la foi et la raison tout ensemble ; excelsus excelsior, appliqué à Lucifer, est un audacieux blasphème, inventé par l’orgueilleux monstre des enfers, père du mensonge.

C’est pourquoi la Mancique est, par elle-même, une science radicalement trompeuse, mensongère, fausse, aussi bien lorsque ses professeurs sont des