Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

meubles se mettent aussi de la partie ; l’enfant, principalement, est en butte aux vexations les plus étranges ; elle ne peut plus ni boire ni manger ; les aliments, avec les vases qui les contiennent, s’enfuient de la table, quand elle veut y porter la main. On finit par se douter qu’elle est la cause du désordre ; on la renvoie après quelques semaines, et le désordre cesse. Le journal (Douglas-Herald, 26 mars) qui rapporte ces faits ne dit pas si quelque parent ne convoitait pas la succession des deux vieillards ; il aime mieux accuser l’enfant, comme s’il y avait eu de l’intérêt ! comme s’il lui eût été possible de produire de telles manifestations !… Mais il ajoute, de bonne foi, que le modus operandi était demeuré invisible.

Au mois de décembre 1849, à Saint-Quentin, chez un négociant, un vacarme affreux se déchaîne subitement : les sonnettes vont seules, des coups retentissent contre les murs en vingt endroits divers, les vitres se brisent seules, en présence de nombreux témoins. La vaisselle et les ustensiles se promènent par la cuisine et la salle à manger. Le désordre se renouvelle chaque jour à plusieurs reprises, et cela durant trois semaines, sans qu’on puisse saisir les agents ni les moyens d’action. L’on finit par soupçonner qu’une domestique, introduite depuis ce temps dans la famille, en est la cause involontaire ; on la renvoie, et tout rentre dans l’ordre (Gazette des Tribunaux, 20 décembre 1549).

Le 15 janvier 1846, à Mortimer, département de l’Orne, une jeune fille de quatorze ans, d’une intelligence peu développée, ouvrière en gants de filets de soie, se trouve en butte à une obsession plus grande encore. Le lourd billot de chêne auquel étaient attachés son filet et celui de ses compagnes se déplace et s’enfuit. De ce moment, Angélique Cottin (c’est son nom) ne peut plus toucher un meuble qu’il ne prenne aussitôt la fuite ; le frôlement de sa robe fait fuir les chaises, les tables, les plus pesants objets d’un ménage de campagne, les pelles, les pincettes et jusqu’aux charbons. Deux ou trois hommes des plus forts ne peuvent retenir la chaise sur laquelle elle veut s’asseoir ; elle fuit ou se brise entre leurs mains. Ils se placent sur le billot où elle attache son filet ; le billot danse sous leurs pieds et les secoue rudement. Elle est obligée de s’isoler et de se tenir debout au milieu de la pièce. On lui donne un panier de haricots à éplucher, pour s’occuper ; quand elle y plonge la main, les haricots sautent hors du panier, et le panier s’envole. Des centaines de personnes, de toute condition et de tout savoir, constatent ces phénomènes ; on indique par tout le pays le sorcier qui a jeté le sort.

Après bien des jours de douleurs et d’expériences, on envoie la jeune fille à Paris, pour être soumise à l’examen de l’Académie des sciences. Arago, après avoir constaté par lui-même les phénomènes, en entretint ses collègues, le 2 février. L’Académie nomma une commission ; le docteur