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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/475

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Maury, toutes les hypocrites tendresses de son éloquence humanitaire, invitant l’Assemblée à expier les crimes nationaux dont les juifs avaient été si longtemps victimes, et la rappelant en leur faveur aux éternels principes de la justice et de la raison, qui sont les bases de toute société ; l’opinion de la majorité l’emporta, et la question des juifs fut ajournée, jusqu’à ce qu’on pût savoir, dit M. de Beaumetz, ce qu’ils voulaient être et s’ils étaient dignes de recevoir la liberté[1].

L’intervention de Mirabeau lui-même dans le débat ne put empêcher cet ajournement ; cependant sur le rapport de Talleyrand, l’évêque d’Autun, le futur apostat, un moyen terme fut adopté : en même temps que l’assemblée ajournait la délibération sur la requête des juifs alsaciens et lorrains, elle élevait au rang de citoyens actifs les juifs portugais de Bordeaux et d’Avignon, peu nombreux et estimés de tous leurs compatriotes[2].

Il y avait dans cette politique de la partie saine de la Constituante comme une réminiscence du plan de Louis XVI, d’élever graduellement et selon leurs mérites les enfants de la famille juive à la dignité de français et de citoyens. La cause de l’émancipation immédiate et totale eut alors pour avocats les représentants les plus célèbres de la fraction révolutionnaire obéissant au mot d’ordre des sociétés secrètes et des clubs, leurs instruments. Grégoire, Duport, Robespierre, Mirabeau et Talleyrand, tous les noms figurant au Moniteur comme favorables à l’émancipation juive, se retrouvent dans les listes maçonniques.

Cependant, les districts et la Commune de Paris ne restaient pas inactifs ; la garde nationale et les sections, travaillées par un membre influent de la Commune, l’avocat Godard, se prononçaient hautement en faveur des revendications des juifs. Dans le district de Saint-Roch, le F∴ Lafont-Pouloti, plaidant leur cause, allait jusqu’à dire que leur admission à l’état de citoyens actifs réaliserait pour eux les promesses de leurs prophètes, leur annonçant dans l’avenir une nouvelle patrie.

Le 28 janvier 1790, l’avocat franc-maçon Godard[3] présentait à l’assemblée

  1. Cette même séance vit la réhabilitation du bourreau. Les israélites en furent profondément blessés. Le Courrier de Paris disait à ce sujet, le 2 février 1790 : « Dans un moment où les droits de l’homme sont reconnus, dans un moment où le plus vil des êtres (le bourreau) a eu l’audace de faire entendre sa voix sinistre devant les tribunaux, comment est-il possible que les juifs aient encore besoin de défenseurs ? Pourquoi sont-ils forcés de descendre aux prières pour obtenir la qualité d’homme, qualité que l’on ne refuse pas à l’une de ces créatures infâmes dont on ne pardonne l’existence que parce qu’une nature marâtre a permis qu’il y eût des crimes et des crapauds.
  2. Il ne s’en fallut que de quelques voix qu’un juif de Bordeaux ne fût élu député à la Constituante.
  3. Appelé en 1971 le jeune avocat des juifs. Grâce à ses papiers tombés entre les mains de l’abbé J. Lemann, celui-ci a pu reconstruire ce qu’on peut appeler la phase jacobine de l’émancipation des juifs, c’est-à-dire, leur concert avec les forces occultes de la Commune et des clubs de Paris, pour essayer de forcer la main à l’Assemblée nationale. (V. La Prépondérance juive, par l’abbé J. Lemann, p. 193 et suiv.)