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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/107

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arrivée, au siège du Directoire maçonnique. Là, les dépendances du grand temple sont surtout réservées à l’administration. L’immeuble, qui n’est nullement caché, que tous les habitants connaissent, est situé en plein Chowringhee, au quartier neuf ; il renferme une douzaine de salles, plus ou moins spacieuses, appareillées pour les tenues des principaux rites, machinées en conséquence, notamment trois sanctuaires dans le sous-sol. Une quatrième salle, installée aux dernières profondeurs de l’édifice, est, contrairement aux autres, dépourvue de toute préparation ; les murs en sont nus, en blocs massifs de granit, sans aucune niche ; les dalles sont larges, en ciment ; l’orient est en pierres de granit, comme les murailles ; nul autre ornement que l’autel du Baphomet, flanqué, à droite et à gauche, des deux obligatoires tableaux que j’ai déjà décrits ; mais, ici, les peintures sont soignées, et non grossières comme chez les fakirs cynghalais. Ayant décliné mes titres, je fus admis à visiter l’immeuble, et même je fis une petite station à la bibliothèque, qui contient des livres fort curieux, en quantité innombrable, et tous les rituels maçonniques que l’on peut imaginer, imprimés ou manuscrits en presque toutes les langues. Naturellement, le frère archiviste ne me laissa feuilleter que ceux des grades égaux ou inférieurs à mon degré d’initiation ; en réalité, il ne me manquait que l’initiation au palladisme.

Tandis que je faisais cette visite préliminaire, vint un certain frère Hobbs, avec qui je fus très aise de lier connaissance ; il était un des principaux administrateurs d’une grande compagnie de thés de Calcutta ; ce qui m’intéressait n’était pas sa qualité civile, comme on pense bien, mais sa fonction dans la haute maçonnerie. Le frère Hobbs était précisément le grand-maître de l’aréopage théurgiste, qui avait présidé la séance où avait eu lieu l’apparition dont Carbuccia s’était montré si ému.

Je m’empressai donc de me faire présenter à lui, et, lorsque je lui eus raconté, comme incidemment, l’épisode de Galle, c’est-à-dire la mort de la prêtresse fakir à laquelle j’avais assisté, et la réunion du temple Mac-Benac de Pondichéry, lorsque je lui eus montré la carte de visite du frère John Campbell, augmentée de quelques mots d’amitié de celui-ci, avec sa signature, nous devînmes bientôt les meilleurs amis du monde.

Adroitement, je fis venir la conversation sur les apparitions, que je croyais possibles, dis-je, mais que je n’avais pas encore vues.

— Nous en avons eu plusieurs, cette année, affirma le frère Hobbs ; mais c’est surtout dans les tenues palladiques qu’elles se produisent le plus aisément. Il n’y a pas quatre mois, le Dieu Bon lui-même s’est manifesté à nous.