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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/128

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pénétrer avec le cortège, était, en effet, éclairé par des bougies placées partout en quantités considérables de groupes de trente-trois, et tous ces feux étincelaient et se reflétaient dans une splendide mosaïque de petits miroirs, gros comme le poing, dont la voûte et les murailles sont incrustées ; en outre, cette ornementation est encore rehaussée par des pierreries semées ça et là à profusion. C’était un éblouissement féerique, un ruissellement, une inondation de lumière.

Il est impossible de se faire une idée des richesses entassées dans ce second temple. Des milliers et des milliers de pierres précieuses, dépouille de rajahs vaincus et détrônés par la conquête anglaise, sont enchâssées dans l’or qui court en festons, en guirlandes, le long des murs ; tout cela formant des dessins irréguliers, étranges. Brillants, roses, émeraudes, rubis, saphirs servent à représenter, en des tracés d’une valeur incalculable, les noms des trois démons à qui ce sanctuaire est consacré : Astaroth, génie du ciel, c’est-à-dire du firmament, de la voûte étoilée ; Nitika, génie des pierres précieuses ; Toglas, génie des trésors.

À l’orient, sur l’autel, le hideux Baphomet est remplacé par un gigantesque phénix sortant des flammes, lesquelles sont simulées par un immense bloc d’or rouge taillé en conséquence et resplendissant encore de pierreries.

En entrant, je fus sur le point de défaillir, tant mon saisissement fut vif ; cette irradiation lumineuse était d’une intensité qui donnait mal au cœur ; toutefois, le premier moment passé, on s’habitue peu à peu à cet éclat, si fantastique qu’il soit. Lorsque les yeux commencent à supporter la clarté extravagante du sanctuaire, on examine curieusement. Ce qui frappe avant toute chose, ce sont des statues d’animaux de toute espèce, en argent massif, qui figurent dans des niches ; les quadrupèdes sont debout sur leurs pattes de derrière.

Je pris place sur la colonne du midi, — ce qui revient à dire : sur une des rangées de la droite, en entrant, — à proximité de la balustrade qui sépare l’orient du reste de la salle ; j’avais pour voisin de stalle un professeur du séminaire anglican de Calcutta.

Le grand-maître officiant, le même qui avait présidé au baptême du serpent, était assisté des frères Walder et Cresponi ; quant au frère Hobbs, il s’assit au fauteuil du chevalier d’éloquence ou orateur de l’aréopage palladique. J’ai oublié de dire tout à l’heure que le grand-maître, quoique de nationalité anglaise, avait le teint presque aussi bronzé que celui d’un Indien, sans doute parce que dans sa famille les sangs avaient été souvent mélangés ; il était de haute stature, et sa grande barbe blanche lui donnait un aspect vénérable.