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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/150

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animaux sauvages accouraient : bandes de chacals, qui, étonnés et attirés en même temps, s’arrêtaient et se tenaient prudemment à distance, dans une coulée de lumière rouge qui leur lustrait le poil, et qui aboyaient, hurlant furieusement, eux aussi, comme s’ils cherchaient à se mettre à l’unisson avec les clameurs du feu et de l’assistance en proie à un accès de frénésie ; chauves-souris et vampires, qui tournoyaient au-dessus, haut d’abord, et puis, qui, aveuglés peu à peu par la lumière ou suffoqués par la fumée âcre, rétrécissaient leur cercle de vol devenu plus mou et plus incertain, jusqu’à tomber enfin, en poussant un cri plaintif, aigu, déchirant, par gros paquets, dans le four où ils se consumaient en un instant, avec un bruit de grésil et un relent nauséabond ; sans compter les insectes et les bestioles de toute espèce, par myriades, gros phalènes, papillons de nuit de tout ordre, dont les légions tourbillonnaient en bruissant autour du feu, montant et descendant en spirales immenses, dans un continuel va-et-vient, reflétant dans l’épaisseur du nuage qu’ils formaient les lueurs du brasier.

Sans lassitude aucune, les maîtres des cérémonies battaient les gongs, les martelant à coups de poing, tandis que les assistants continuaient leur charivari désordonné de hurlements qui n’avaient rien d’humain, les Indiens surtout bramant comme seuls ils savent le faire, avec des notes perçantes, auxquelles répondaient dans le lointain la clameur des chacals et ici le formidable crépitement du feu. C’était vraiment à réveiller les morts, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Mais il y a une fin à tout. Les coups de gongs et les vociférations s’arrêtèrent, sur un signe du grand-maître, et un silence complet succéda brusquement à tout ce tapage. Une forme noire venait de sauter au milieu de nous, étant entrée par une des ouvertures extérieures du temple ; cela allait et venait, courait, bondissait tout autour du four ; puis, cela s’arrêta.

Nous regardâmes. C’était un gros chat sauvage, énorme, tout noir, le poil hirsute, les yeux hagards, flamboyants. À présent, il miaulait sur un ton lugubre.

— Une âme ! une âme ! dirent quelques voix dans l’assemblée.

De fait, les Indiens qui se trouvaient là croyaient sincèrement être en présence d’une âme réincarnée.

Le chat miaulait de plus belle, misérablement, jetant de côté et d’autre des regards effarés. Le grand-maître fit un pas vers lui. Voyant en lui un agresseur, l’animal s’arc-bouta, souffla de cette façon particulière qui témoigne son irritation et qui rappelle le bruit d’un siphon d’eau gazeuse finissant de se vider, et tout son poil se hérissa davantage.

— Par Moloch, Astaroth, Baal-Zéboub et Lucifer ! s’écria le grand--