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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/269

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Un des Chinois lisait ma patente de Hiérarque. Un autre tenait mon cordon palladique, pris dans ma poche, et me le tendait. Sans me faire prier, je le passai immédiatement à mon cou.

— Il résulte de tes titres, reprit l’un des dignitaires, que tu appartiens au Palladium de Charleston, au grade de hiérarque. Quel est donc ton mot de passe et quels droits ton grade te donne-t-il ?

Ult, répondis-je, et ce mot dit le premier de mes droits.

— Ton mot sacré, alors ?

Baph, et ce mot dit le second de mes droits. À mon appel, les poignards se lèvent pour la vengeance ; à mon appel, lorsque six autres hiérarques m’accompagnent, le Père du temple daigne paraître.

Ces quelques mots échangés constituent la partie principale du tuilage, au second degré masculin palladique.

On ne m’en demanda pas davantage ; d’ailleurs, j’étais en mesure de répondre.

Je remerciai en quelques mots, à raison de l’honneur qui m’était accordé. Après quoi, tandis qu’on enlevait la chaise à brancards sur laquelle j’avais été transporté, je jetai sur la salle et sur l’assistance un coup d’œil moins sommaire qu’au premier moment.

À l’orient, sur une estrade élevée seulement de trois degrés, trônait, sur un autel, l’idole de la San-ho-hoeï, sous une espèce de baldaquin sans rideau, supporté par neuf colonnes torses. L’idole était un Baphomet, dont la moitié supérieure du corps était remplacée par un dragon chinois, gueule ouverte, et les pattes étendues écartées, comme bénissant l’assemblée. Au Rite Céleste, chose bizarre, le bouc n’est pas en honneur ; bien au contraire ! les Chinois affectent, par rage d’injure, de s’en servir pour symboliser les missionnaires catholiques, qu’ils appellent tantôt boucs, tantôt cochons.

Au milieu de la salle, dans un grand espace vide, j’apercevais une sorte de baptistère, recouvert d’un lourd couvercle en bois.

Mais le plus curieux à voir, c’étaient les peintures murales qui constituaient la principale décoration de la salle. Elles consistaient en une succession de tableaux, peints dans le goût bizarre, extravagant du pays, par ces artistes chinois qui n’ont jamais eu, pas plus aujourd’hui qu’autrefois, la moindre idée des ombres ni des effets de lumière ; dont la couleur n’est jamais fondue ; dont les lignes sont dures, les compositions sans perspective ; où, au rebours des idées naturelles les plus élémentaires, en dépit du sens commun, les personnages représentés au fond de la scène sont généralement plus grands et plus gros que ceux du premier plan, ce qui donne à ceux-ci un air de pygmées, de nains ; dont tous les personnages, enfin, semblent avoir été dessinés par