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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/278

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Et le grand-sage du Milieu continua son allocution, comparant la prédication des missionnaires catholiques à une marée montante. Il expliquait que le gouvernement chinois avait fixé le nombre de villes ouvertes aux étrangers, que les missionnaires qui s’aventuraient hors de ces villes pour conquérir les âmes agissaient à leurs risques et périls, et que, par conséquent, on avait le droit de les capturer et de les faire disparaître, après leur avoir fait subir les supplices les plus terribles et les plus ignominieux.

Tandis qu’il parlait, sa bouche bavait, et sa langue avait comme des sifflements de reptile.

L’assemblée était vivement surexcitée. Le grand-sage déclara, pour conclure, que l’on allait, afin de préparer par les moyens surnaturels l’anéantissement des missionnaires, recourir aux grandes œuvres en se mettant en communication avec les esprits du feu.




CHAPITRE XIV

Prestiges lucifériens chinois.




On apporta, d’abord, un cercueil qui fut déposé au milieu de la salle et presque au pied des degrés de l’estrade.

Les cercueils chinois, il est bon de le dire, ne sont pas comme les nôtres, simples, en chêne ou bois blanc, et petits. Ce sont de véritables monuments en bois épais, laqué et rouge, avec des inscriptions dorées, sculptées en creux.

Nous savons, d’autre part, quel mépris le Chinois a de la mort, comment il tue et comment il meurt sans sourciller. Le cadeau qu’un ami obligeant et aimable fait à ses camarades à la nouvelle année consiste assez souvent en un cercueil luxueux. Il y en a qui sont de véritables chefs-d’œuvre dans leur genre, et des magasins spéciaux, très à la mode, existent dans les principales rues des grandes villes chinoises, comme à Paris nos bijoutiers de la rue de la Paix et du Palais-Royal.

Il résulte de cette mode séculaire que le cercueil, dans lequel le Chinois transporte le corps des siens morts, n’est pas un objet triste, encore moins un objet de répulsion ; aussi, à chaque instant, on rencontre sur les fleuves, qui sont en Chine les routes les plus fréquentées, des sampangs dans lesquels des familles entières vivent d’une façon nomade,