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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/444

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Le vulgaire croit qu’il s’agit tout uniment d’un monastère où les religieux faisaient joyeuse bombance ; nous laissons subsister cette réputation, attendu qu’une telle renommée nous sert en détournant les soupçons. À Ripaille, en effet, on comprenait la vie comme il faut la comprendre, selon les lois de la nature ; mais aussi, Ripaille était un des sanctuaires secrets de notre Dieu, adoré comme il demande à l’être ; chaque jour, Amédée de Savoie y disait la messe blanche.

« Survint la grande rupture de Bâle ; de nombreux indépendants du sacerdoce adonaïte secouèrent le joug d’Eugène IV, pape de Rome ; le feu de la réforme de Martin Luther couvait déjà sous la cendre. Amédée de Savoie, qui ne fuyait pas les graves responsabilités, se mit à la tête des révoltés de Bâle, fut élu pape réformiste sous le nom de Félix V, et, pour employer l’expression même de nos adversaires, fut le grand anti-pape du schisme d’Occident. La doctrine secrète que professait Amédée de Savoie n’est pas inconnue des hommes noirs du Vatican ; ils savent dans quel sens le culte du monde dit catholique eût été progressivement métamorphosé, si cette courageuse tentative avait remporté le triomphe final ; ils n’ignorent pas quel était le Dieu du grand et saint Amédée. Aussi, par haine de lui, jamais plus un pape de Rome n’a pris le nom de Félix, jamais aucun ne le prendra. Ils le considèrent comme déshonoré pour toujours, à leur point de vue, dans l’histoire du pontificat romain.

« Maintenant suivez l’arbre généalogique de la maison de Savoie, dont le premier duc a été notre grand Amédée.

« Amédée a pour successeur son fils Louis Ier, prince de Piémont, duc de Savoie, née en 1402, mort en 1465. Louis Ier engendre Amédée IX, duc de Savoie (1435-1472), qui engendre : 1° Philibert Ier, duc de Savoie (1465-1482), mort sans postérité, et 2° Charles Ier, duc de Savoie et roi de Chypre (1468-1489), dont le fils Charles II, duc de Savoie (1488-1496), termine la ligne aînée issue de Louis Ier. Mais, au moment où l’enfant Charles II s’éteint, un autre fils de Louis Ier, un petit-fils du grand Amédée l’antipape, vit encore, âgé de 58 ans ; c’est Philippe sans Terre, comte de Baugé, seigneur de Bresse (1438-1497), qui devient le duc de Savoie, Philippe II et est la souche de la ligne cadette. Ses deux fils lui succèdent l’un après l’autre : 1° Philibert II le Beau, comte de Bresse et duc de Savoie (1480-1504), mort sans postérité, et 2° Charles III le Bon duc de Savoie (1486-1553), qui fonda l’ordre militaire de Maurice-et-Lazare, mais dont le long règne fut malheureux ; car c’est du temps de ce prince que les Français s’annexèrent pour la première fois la Savoie, qu’ils occupèrent pendant soixante ans.

« Le fils unique et successeur de Charles III est Emmanuel-Philibert,