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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/451

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De 1872 à 1877, Lemmi était resté totalement dans l’ombre. De 1877 à 1880, il dirigeait effectivement le Grand Orient d’Italie, quoique n’ayant pas le titre officiel de grand-maître ; Giuseppe Mazzoni, le grand-maître en exercice, était, du reste, plus souvent chez lui, a Prato (en Toscane), qu’à Rome ; quant au grand-maître adjoint, Petroni, son degré de ramollissement était tel, qu’il n’y a même pas lieu de tenir compte du personnage, lorsqu’il est question de l’action réelle de la secte ; Lemmi avait alors ses coudées franches, au sein du grand centre romain.

À la mort de Mazzoni (11 mai 1880), dont la succession officielle échut au vieux martyr gâteux, on voit Lemmi sortir peu à peu de l’ombre. Dès le mois de mars 1881, il met en œuvre une commission ayant le mandat d’organiser, pour le second semestre de l’année, un congrès maçonnique dit national, devant se tenir à ; Milan, et dont je parlerai plus loin.

À partir de cette époque, il emploie ses efforts à obtenir la fusion du Suprême Conseil de Rome et du Supréme Conseil de Turin dans le Grand Orient, lequel devait finalement absorber ces deux pouvoirs. Or, à ce moment même, le dit Grand Orient d’Italie n’était officiellement reconnu que par un nombre très restreint de fédérations maçonniques d’Amérique et d’Europe.

Les premiers efforts de Lemmi se portèrent du côté du Suprême Conseil de Rome ; là, il fut secondé en secret par Castellazzo et aussi par le comte Luigi Pianciani, lequel, au courant de 1880, avait succédé à Mauro

    publier, dans son ouvrage en collaboration intitulé : Cours de Maçonnerie pratique (tome II, pages 42-43), le passage du cérémonial de l’initiation au du 33e degré où le grand-maître donne l’anneau au bon jobard dont on se moque. Il est tout fier d’avoir eu une si belle bague, et il décrit l’incident en termes pompeux.
    « Le Très Puissant Souverain Grand Commandeur, raconte M. Rosen avec une délicieuse naïveté, place une double alliance d’or, de l’épaisseur de deux centimètres, dont l’intérieur porte gravés, sur l’un des cercles, le nom du nouveau Souverain Grand Inspecteur Général (33e degré) et sur l’autre, la devise de l’Ordre : Deu meumque Jus ! autour de l’annulaire gauche du récipiendaire, en lui disant : « Recevez cette alliance comme gage précieux de votre union indissoluble avec l’Ordre, comme emblème de tous et chacun des devoirs importants que vous êtes dorénavant appelé à remplir. Vous ne devez vous en séparer qu’en quittant cette vie mortelle ; car c’est à vie que vous êtes uni à l’Ordre, et c’est pendant toute votre vie que vous lui devez l’accomplissement de tous les devoirs que vous avez volontairement acceptés. »
    M. Rosen, en se laissant enfiler au doigt le fameux anneau et en écoutant la recommandation qui lui était faite de ne jamais s’en séparer, était à mille lieues de se douter qu’il allait porter désormais un signe distinctif dont le plus clair résultat pour lui serait le silence des vrais initiés en sa présence, sans compter les joyeuses moqueries à son adresse, une fois le dos tourné.
    Et cependant, il aurait pu flairer la mystification, s’il avait en soin de lire, en y réfléchissant, le Tuileur des 33 grades écossais qui figure à la fin de la brochure donnant le compte rendu officiel du Convent de Lausanne, en 1875. En effet, à propos des bijoux du 33e degré remis au récipiendaire par le grand maître, lors de l’initiation, il est dit, et ceci est signé par les chefs (à l’avant-dernière page) : « La remise d’une double alliance en or, avec le nom du frère, est FACULTATIVE. » Ce dernier mot ne peut qu’éveiller la défiance de tout récipiendaire bien avisé ; car il doit se dire, en toute logique : « Pourquoi donne-t-on aux uns l’anneau, et aux autres non ? il y a évidemment quelque chose là-dessous. Méfions-nous ! »