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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/466

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allumettes sur les marches de ce palais de Montecitorio, où l’ennemi acharné de Pie IX trôna si longtemps comme vice-président de la Chambre des députés.

De Tamajo, de Riboli, de Bovio, de Crispi, je n’ai rien à dire ; ce serait faire perdre au lecteur son temps que de lui donner des notes biographiques, si brèves fussent-elles, sur ces chefs francs-maçons dont la vie est plus que suffisamment connue.

Dans un ouvrage comme celui-ci, l’intérêt se porte surtout sur les personnages plus ou moins mystérieux, qui se complaisent à rester dans une pénombre discrète, qui agissent sans trop se montrer au public. De ce nombre est le sculpteur Ettore Ferrari, dont la secte a fait un député. Mais Ferrari, au sein des arrière-loges, est un maçon des plus actifs. Les profanes ne voient en lui que le sculpteur qui a déshonoré le Champ de Flore, à Rome, en y érigeant, comme une sacrilège insolence à l’adresse de la Papauté, sa statue de Giordano Bruno, le moine apostat ; ils ignorent qu’Ettore Ferrari est un des occultistes les plus à la mode dans les assemblées secrètes du luciférianisme italien.

Et Cresponi ? je ne puis manquer de l’esquisser en quelques traits. Lui, c’est l’homme énigmatique par excellence ; il est Sicilien et doit avoir, à cette heure, entre quarante-cinq et cinquante ans. Il porte longue sa noire chevelure abondante et bouclée ; le nez est un vrai promontoire, très effilé. Il n’est pas marié. Grand commis-voyageur du Palladisme, il appartient à la catégorie des sectaires qui font peu parler d’eux, qui se commettent rarement dans les simples loges et se réservent pour les aréopages et les triangles. Il passe sa vie a aller d’un bout de l’Italie à l’autre, visitant tous les centres où se trouvent des arrière-loges. Charleston lui a donné, en outre, pour principal mandat, la surveillance de Lemmi et de Bovio. Une de ses joies est de se transformer, de se déguiser, pour dire le mot, et d’assister à une réunion sans être deviné par personne ; il s’est créé ainsi cinq ou six personnalités très distinctes, pour chacune desquelles il a ses diplômes et tous les papiers nécessaires. Tomaso Cresponi est aussi un occultiste renforcé ; mais il ne se borne pas aux œuvres magiques en société palladiste, avec des collègues : il est un amateur passionné de l’hermétisme, de la cabale, de la nécromancie ; il opère en chambre, et pour lui tout seul. Les lucifériens qui le fréquentent sont au courant de ces habitudes étranges ; il laisse, en effet, échapper des confidences, dans des moments de griserie intellectuelle. Une légende s’est créée autour de lui, dans les triangles romains : d’aucuns le disent évocateur de premier ordre et répètent tout bas qu’il va parfois, la nuit, au Colisée, où devant lui, sans témoins, il fait défiler des légions de fantômes.