Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et malgré tous, en dépit même des agents secrets que Lemmi me lancera dans les jambes (il a déjà commencé), je combattrai la franc-maçonnerie chez elle ; poitrine découverte, mais inconnu.

Il y a un curieux roman d’Ernest Capendu, intitulé : le Capitaine La Chesnaye. Il s’agit de trois frères, qui ont entre eux une ressemblance frappante, mais qui sont d’accord pour ne paraître former qu’une seule individualité ; ce qui déroute tout le monde ; les alibis sont si frappants, qu’on se demande si le capitaine n’a pas le don d’ubiquité.

Eh bien, mon cas est précisément le contraire de celui-ci. Trois personnalités très distinctes sont réunies en un seul et même individu.

Le docteur Bataille, c’est l’écrivain antimaçonnique ; cette signature est un bon nom de guerre ; elle sent le combat. Quant au nom d’état civil, qui est bien celui d’un docteur et d’un marin, — car je suis vraiment l’un et l’autre, — je n’ai fait aucune difficulté de le donner, quand il s’est agi de fournir des preuves de mon existence, aux personnes venant me voir, non par pure curiosité, et me présentant d’autre part certaines garanties. Enfin, il y a la personnalité maçonnique que je m’étais constituée en prévision de l’incident qui, sans cela, eût mis fin à mon enquête.

Tout ce que je puis dire, c’est que ma personnalité maçonnique n’est pas française ; que j’ai joué les chefs palladistes, après quelques années de fréquentation des triangles, exactement comme j’avais joué Pessina à mes débuts ; qu’il n’y a qu’une personne au monde connaissant le secret qui me vaut de pouvoir aller même à Charleston, si je veux, et d’y recevoir tous les honneurs réglementaires ; mais que cette personne ne parlera pas, ne peut pas me trahir ; car je la tiens ; un avis adressé à Lemmi concernant ceci, vaudrait à cette personne une riposte terrible qui la mènerait en cour d’assises et sûrement aux travaux forcés à perpétuité dans son pays.

C’est pourquoi, je suis bien tranquille, et mes lecteurs peuvent l’être.

Tant qu’il le faudra, je serai l’œil qui surveille Caïn.