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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/50

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prodige est l’œuvre du démon, quand il est réellement au-dessus des forces de la nature physique, et quand, d’autre part, celui qui le produit prétend prouver par ce moyen une doctrine contraire à la foi catholique, quand il n’a pour but que d’amuser les hommes ou de satisfaire la curiosité et les passions, et encore quand il est produit par des pratiques cabalistiques, ridicules, superstitieuses, sans invocation à Dieu et à Jésus-Christ.

Dès que le magnétisme produisit des abus, l’Église romaine s’émut, et le Saint-Office adressa des instructions à tous les évêques de la catholicité. Dans ce grave document, me disait l’abbé Laugier, nous trouvons aussi parmi les signes qui permettent au fidèle de reconnaître la présence et l’intervention de l’esprit mauvais : la prétention de deviner et de prédire l’avenir ; la faculté de découvrir des choses inconnues ou éloignées ; l’évocation des morts ; la vision de toutes sortes de choses invisibles ; la prédication d’une religion nouvelle.

Enfin, à propos des tables parlantes, l’abbé, me citant un cas où la table avait fait des réponses ordurières, concluait en ces termes :

— Les réponses ordurières sont un des signes les plus certains, les plus infaillibles, auxquels tout chrétien reconnaîtra l’intervention de Satan.

L’abbé pensait que Satan manifeste surnaturellement son action bien plus souvent qu’on ne croit, et que bien des faits, auxquels les sceptiques ne prennent pas garde, sont cependant étranges, extraordinaires, aux yeux de l’observateur attentif.

Il me raconta, comme exemple, une affaire criminelle qui avait passionné ses compatriotes méridionaux en 1856, l’affaire Matraccia.

— Écoutez, me dit-il. Ce n’est pas un roman, ceci ; c’est un procès qui s’est déroulé publiquement devant la cour d’assises d’Aix, un procès dont les débats ont été imprimés dans tous les journaux de l’époque. Les collections de ces feuilles sont, au surplus, à la Bibliothèque publique de la ville, où quiconque peut les consulter. Eh bien, ce procès a révélé des choses inouïes, et son dénouement a été accompagné de circonstances bizarres, qui ont été également relatées par la presse de toutes les opinions.

Ce Matraccia était un de ces Italiens que l’on reconnaît à première vue, noirs de peau et de poil, d’une beauté sinistre. Fainéant et débauché, on ne lui connaissait aucun état, il n’exerçait aucune profession. De quoi vivait-il ? Cela est demeuré un mystère. Il allait et venait, d’Italie en France, de France en Sicile, de Sicile en Égypte, d’où il revenait encore en France. Son quartier général paraissait être Marseille. Quoiqu’il en soit, il n’appartenait à aucune maison de commerce ; dans ses