Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/516

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais la particularité caractéristique de Gibraltar est d’être comme une gigantesque éponge de pierre, comme une ruche d’abeilles humaines, aux mille pertuis, percée de part en part, de haut en bas, de tous côtés, de trous, de cavités, de grottes ; de gouffres, et tout cela communiquant par un lacis échevelé d’inextricables corridors.

Les trous des sommets ont été creusés, taillés, agrandis, façonnés et maçonnés par la main de l’homme ; dans leurs embrasures, l’acier des fusils et le bronze de cinq mille canons brillent, et le rouge soldat anglais y apparaît. Des corridors relient entre elles ces chambres, ces casemates ; mais ces corridors, vrais chemins de ronde, sont assez larges pour que partout on y puisse circuler à cheval, et au galop.

Quant aux gouffres de la base, ils offrent aux touristes un sujet d’excursion des plus pittoresques. Les habitants se préoccupent peu des beautés merveilleuses que renferment les grottes, où cependant des masses de stalactites d’une incomparable splendeur sont suspendues à profusion ; seuls les guides s’y rendent, accompagnant les étrangers, désireux de visiter ces autres et d’admirer ces curiosités de la nature. En dehors des touristes et des guidés, il y a des hommes qui vont dans ces grottes, qui y vivent même, du moins pendant le jour ; ce sont les ouvriers lucifériens. Je vais donner, dans un instant, l’itinéraire à suivre pour trouver facilement l’accès de celle de ces cavernes qui conduit aux ateliers et au laboratoire souterrains.

C’est par ces diverses cavernes que les Maures tentèrent une fois l’assaut. Sauf une seule, elles sont désertes et abandonnées depuis des siècles déjà ; mais de nombreux vestiges montrent qu’elles ont été occupées et habitées en leur temps. Là, en effet, tour à tour, se sont réfugiées des créatures humaines ; là, a passé l’homme et son compagnon, l’ours des cavernes, aux premiers âges du monde, aux rudiments de la civilisation. Elles ont vu briller, tour à tour, le feu de la cuisine dans le rocher, et, dans le même bloc, le feu sacré diabolique, qui était la loi principale du culte rendu aux démons, sous les noms de Baal-Zéboub, Moloch, Bélial et autres esprits de la religion luciférienne primitive, la même que le dix-neuvième siècle voit renaître. Puis, l’homme des cavernes les a abandonnées et a en pour successeur l’homme plus civilisé, mais d’une impiété plus raffinée aussi. Phéniciens et Carthaginois y ont adoré le roi du feu éternel. Puis ; sont venus en conquérants les Maures, gens à la peau noire, qui, le cimeterre éclatant en main, se sont rués en hordes furieuses, faisant retentir les voûtes séculaires de leurs horribles imprécations de musulmans. Ils ont soufflé sur le feu des premières époques, ils l’ont éteint ; ils ont renversé l’idole phénicienne et carthaginoise, décapité le Jupiter romain, et, à sa place, ont élevé l’étendard de Maho-