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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/532

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Une galerie est disposée dans chaque chambre, tout autour de sa muraille naturelle ; c’est-à-dire qu’une seconde muraille, celle-ci intérieure, a été construite et contient les locaux où les ouvriers spœléïques travaillent ; cette seconde muraille est aussi percée d’ouvertures pour la ventilation. Quant aux cheminées, le gouvernement anglais, — et c’est là encore une preuve matérielle de sa complicité, — les a laissé construire de telle façon que, traversant la partie supérieure du rocher, elles viennent mêler leur fumée à celle des cheminées, de l’immense emplacement occupé par la garnison. Il en résulte aussi que, de la hauteur à laquelle leurs extrémités atteignent, ces cheminées possèdent un très fort tirant.

Maître Joë me fit d’abord faire le tour d’une des galeries ; c’est là que je remarquai les petites ouvertures apportant l’air extérieur ; sur le bord de ces trous, à la légère brise, une fleurette mignonne pousse et frissonne doucement. Sur le sol, çà et là, gisant, dans des coins, des objets informes, lames de fer et d’acier tordues, plaques de cuivre rouge, barres d’étain, râclures des divers métaux (sauf l’or et l’argent) employés dans la fabrication des instruments de la haute magie, le tout parmi un léger relent particulier qui surprend désagréablement, mais auquel, l’odorat finit par s’habituer ; le pied heurte des rebuts, des brisures, des vieux moules cassés, hors d’usage, de tout un musée horrible et mastodontal d’animaux, de monstres, innommables et innommés. Puis, ce sont des outils étranges, fixés au mur ou entassés dans des cavités du roc, avec des étiquettes. Nous sommes bien ici au royaume des sept métaux lucifériens.

Nous faisons le tour des premiers ateliers ; nous revenons à la grande porte, que domine la plate-forme d’où je suis descendu ; nous entrons, après que j’ai mis mes insignes palladiques, sur l’avis de mon conducteur.

Personne ne semble m’apercevoir ; chacun est à sa besogne.

— Combien avez-vous d’ouvriers, d’employés, en tout ? demandai-je à Joë.

— Pour les divers ateliers et le laboratoire, le personnel s’élève aujourd’hui à près de deux cents personnes.

— C’est beaucoup.

— Vous trouvez ?… Oh ! nous sommes, au contraire, fort à l’aise dans cette partie du rocher… Pensez donc aux milliers de soldats qui sont au-dessus de nous !…

Je regarde, tandis que les ouvriers chantent à tue-tête, confusément, tout en faisant leur travail.

À première vue, cela n’a pas l’air bien démoniaque. C’est une forge, comme on en voit partout. Des soufflets fonctionnent, actionnant des pe-