Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

néanmoins, assez bien éclairé, par de nombreuses et étroites meurtrières, invisibles du dehors.

Nous montons, nous montons toujours.

Allons, encore un effort, nous allons arriver. Nous voici près de la tour, commencée par le général O-Hara, censément pour surveiller et porter la vue jusqu’à Cadix même, mais qui était bien plutôt — sa forme et son architecture l’attestent — un monument maçonnique, une vaste pierre cubique du culte de Lucifer, marquant que tôt ou tard celui-ci tenterait de nouveau d’escalader le ciel. Cette tour, à cette hauteur vertigineuse, était la marque, la preuve de pierre d’une étape, tout au moins le symbolisme évident de l’orgueil du Maudit.

Deux fois foudroyée, pendant qu’on la construisait, elle n’a jamais pu être achevée. En ruines informes maintenant, pierre à pierre, brique à brique, elle s’écroule lentement et s’effrite en poussière au vent de la mer.

Les habitants lui ont donné le nom de « tour Saint-Georges », peut être à dessein, puisqu’elle enseigne que finalement le démon, dans ses révoltes, est toujours terrassé. Aujourd’hui, — ce que les gens de la ville ignorent, — c’est une simple cheminée du laboratoire à crimes, un vasistas de Lucifer, au travers duquel il me semble qu’il doit parfois, mélancolique et rêveur, laisser errer son œil glauque et trouble dans les profondeurs limpides du bleu firmament de Dieu.


Je parviens enfin, avec Crocksonn, aux salles du laboratoire. L’ensemble est bien petit, si on le compare à la masse formée par la réunion des ateliers. Le laboratoire est situé fort au-dessus des forges, et, comme j’ai bien observé, sans en avoir l’air, le chemin parcouru, comme je me rends assez exactement compte des montées, des coudes de galerie, des divers changements de direction, j’estime que l’emplacement affecté aux œuvres de toxicologie doit être, mais à une énorme distance, superposé à la partie du bas où se trouvent la Chambre du Milieu, la salle quadrangulaire et le couloir d’entrée des locaux secrets. C’est là ce que je me dis, en pénétrant dans le laboratoire.

Ici, nous n’avons plus affaire à des brutes. Les employés de la fabrique de poisons sont tous gens intelligents ; des criminels, cela va sans dire, mais choisis parmi l’élite ; hommes dévoyés, dont la science s’est portée vers le mal. Maître Joé me montre, entre autres, un notaire coupable d’innombrables faux, qui s’est maintenant adonné avec passion à la chimie.

Ici, ces travailleurs scélérats ne sont plus désignés par des noms de démons. Ils sont en tout au nombre de vingt-et-un. Le directeur de la-