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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/55

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ciel sur le mont des Oliviers. Simon le Magicien, le fondateur du gnosticisme, pour montrer publiquement qu’il avait à sa disposition des puissances surnaturelles, s’éleva dans les airs devant l’empereur Néron et le peuple romain : il est bon de dire que ce prestige ne réussit qu’à moitié ; Simon avait opéré son ascension jusqu’à une certaine hauteur, lorsque saint Pierre qui était là se mit à prier, et aussitôt le sectateur de Lucifer fit une chute effroyable, dans laquelle il se cassa les deux jambes et dont il mourut peu après.

Ces contrefaçons, par le diable, des miracles célestes sont innombrables, me disait l’excellent abbé. De nos jours même, l’observateur peut les compter. Ainsi, on connaît, par une déposition devant le conseil de guerre de Paris après la Commune (affaire Dacosta), ce fait merveilleux d’un jeune prêtre du clergé parisien, qui, sous cette nouvelle Terreur, caché dans une chambre où il avait élevé un autel, priait pour son archevêque, Mgr Darboy ; tout à coup, il vit le linge blanc de l’autel se couvrir de petites gouttes de sang ; c’était le moment même où l’archevêque et cinq autres otages tombaient sous les balles des fédérés ; Dieu annonçait donc par un miracle que les nobles victimes périssaient, que les martyrs entraient à l’instant dans sa gloire. Eh bien, d’autre part, nous avons ici à Marseille un journaliste très irréligieux, des plus impies, et, qui plus est, franc-maçon, nommé Clovis Hugues, déjà candidat radical pour la députation, il y a deux ans, et ce mécréant, qui a écrit, je ne sais plus dans quelle feuille, un poème glorifiant Satan, raconte à qui veut l’entendre, — cela m’a été rapporté par des personnes dignes de foi, — que, se trouvant détenu à la prison Saint-Pierre pour délit politique, à l’époque où notre armée nous débarrassa des communards, il entendit un matin, dans le tiroir de la table en bois sur laquelle il écrivait, le crépitement sinistre, très net, très caractéristique d’une vive fusillade ; il en fut tout ému et s’informa dans la journée auprès du directeur de la prison, pour savoir s’il n’était pas arrivé malheur à quelqu’un de ses amis radicaux-socialistes ; ce qu’il apprit alors, c’était que, à la minute, à la seconde précise où une fusillade mystérieuse avait éclaté dans son tiroir, le chef de la Commune de Marseille, Gaston Crémieux, avait été exécuté par la troupe, sur le Pharo, c’est-à-dire tout à fait à l’autre extrémité de la ville. Depuis lors, M. Clovis Hugues a raconté à mille personnes ce phénomène, et il faut certainement le croire ; ce n’est pas parce qu’il est pour nous un adversaire fanatique et violent, que nous devons l’accuser d’imposture. Cet homme a dit vrai, et le bruit de la décharge du peloton d’exécution de Gaston Crémieux a réellement résonné dans le tiroir de sa table en bois : mais là, il est facile de voir qu’il n’y a pas eu miracle céleste ; qui, si ce n’est Lucifer ou quelque