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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/580

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Et il insistait, avec son sourire toujours finement béat, sur le mot « à bout de forces. »

L’autre comprit qu’il avait d’abord eu tort d’oublier la singerie à laquelle se livrent toujours les pseudo-médiums après leurs expériences : céphalalgie, brisure des membres, sentiment d’invincible lassitude, enfin passage des deux mains alternativement sur l’un et l’autre bras, mains que l’on secoue ensuite dans le vide, comme si on venait de racler le fluide dont les bras sont encore superficiellement chargés et comme si on le relançait dans l’espace. Cette manœuvre, à laquelle vous ne verrez jamais les pseudo-médiums manquer, ressemble à une sorte de coup d’étrille du fluide, que l’on a l’air de brosser ainsi que le poil dans le pansage du cheval.

Il comprit aussi que le moment était venu de s’éclipser instantanément pour laisser la docte assemblée discuter librement et se convaincre de la véracité des phénomènes produits et observés.

Au surplus, le président le fit reconduire auprès du jeune pseudo-médium, son collègue.

Le charlatan s’excuse et sans arrière-pensée, ne se doutant certes pas pourquoi on les avait fait venir, lui et son pareil ; il était à mille lieues de soupçonner que le but de la Germania était de les surprendre en flagrant délit d’imposture, eux qui depuis des années vivaient de ce métier à Berlin, sans que jamais, auprès de leurs nombreux clients, et par conséquent de leurs dupes, un doute se fût seulement élevé.

— Quant à vous, monsieur le docteur Bataille, dit le président…

En prononçant ces mots, sans finir la phrase, il se tournait vers moi d’un air interrogatif, comme s’il voulait m’offrir d’aller aussi me reposer, mais simplement par manière.

— Oh ! moi, l’interrompis-je, les esprits ne me fatiguent pas ; ainsi donc…

— J’entends bien, répliqua le président.

Je revins prendre place sur les gradins, où je m’assis cette fois auprès d’un jeune militaire, et je ne fus pas peu étonné, l’avant un moment bien examiné, de constater que c’était une femme. Je sus plus tard son nom ; c’était Mlle Dorothée Schultz, la fameuse grande-maîtresse des Mopses du Parfait Silence, une fine diplomate de la maçonnerie allemande ; dans les réunions spirites, elle va toujours ainsi travestie.

Les deux ou trois autres dames de l’assistance étaient, au contraire, dans leur costume normal, mais perdues parmi la foule. Du reste, le président ne fit aucune allusion à la présence de l’élément féminin.


« — Messieurs, commença alors le président, si vous voulez, non allons examiner sans tarder, les expériences de pseudo-spiritisme auxquelles