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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/609

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Cette secte ne s’affiche pas au grand jour ; elle est secrète comme la San-Ho-Hoeï, mais ne se livre pas à des pratiques sanguinaires ; en outre, contrairement à la San-Ho-Hoeï, elle admet des femmes. D’autre part, dans le Yu-Kiao, le dieu Tcheun-Young n’est pas représenté sous la forme d’une idole demi-dragon demi-Baphomet, mais sous celle d’un magot d’aspect quelque peu vénérable, une sorte de vieux diable barbu.

Les familles qui possèdent une chien-nia installent dans la partie la plus retirée de leur maison une petite chapelle ; ces oratoires sont identiquement les mêmes partout.

Lorsqu’on désire faire opérer la thian-niu, celle-ci se rend dans l’oratoire où, devant l’idole du Tcheun-Young, brûlent alors de l’encens et d’autres parfums ; la thian-niu s’agenouille et prie, récitant certaines formules ; après quoi, elle se retire.

Les fidèles du Yu-Kiao entrent à leur tour, et, pendant un assez long temps, la tête de l’idole en bois s’anime, roule les yeux, ouvre la bouche et parle, répondant à toutes les questions qui lui sont posées.

Il n’y a aucune supercherie, et en voici la preuve ; l’interrogant pose la question, non pas à voix basse, mais tout-à-fait en lui-même ; il pense la phrase interrogative ; et l’idole répond à haute et intelligible voix.

Quand le Tcheun-Young ne veut plus répondre, l’urne aux parfums s’éteint brusquement toute seule.

Une thian-niu réputée, l’Eusapia-Paladino de la Chine, se nomme la Tsa-o. Elle habite d’ordinaire Hang-Kow, chez son grand-père, un vieux yu fort vénéré ; mais elle vient assez souvent à Kouang-Tchéou-Fou (Canton), où demeure son père qui y est comprador (fournisseur de navires), et où l’on peut se rendre immédiatement, lors de l’escale à Hong-Kong. C’est là que j’ai fait la connaissance de Mlle Tsa-o, à la suite d’un service que je rendis à l’auteur de ses jours, service au sujet duquel il me voua une gratitude éternelle.

L’excellent papa de Mlle Tsa-o s’était même, à un moment, mis dans la tête de me donner la jeune fille-du-ciel en mariage. Il me pressa fort, je dois le dire, et j’eus toutes les peines du monde à lui faire comprendre que je désirais rester célibataire. Si j’avais épousé Mlle Tsa-o, elle cessait, et ce par le fait même du mariage, d’être thian-niu ; mais à cela le comprador se résignait, attendu que sa seconde fille était aussi thian-niu.

Le plus clair résultat de l’incident fut que j’assistai à d’importantes réunions de la célèbre société spirite chinoise, et que Mlle Tsa-o eut la gracieuseté de m’offrir son portrait, une photographie où elle est représentée dans son oratoire du Yu-Kiao, se livrant pieusement à ses invocations à l’adresse du vieux diable barbu. Je donne plus