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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/627

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mêmes ; les servants avaient disparu, mais derrière le président se dressait debout, contre le mur, quelqu’un que nous n’avions pas encore aperçu. Celui-ci leva le bras gauche vers le ciel, et nous entendîmes alors comme un coup de fouet dans l’air, pendant que subitement, tac-tac, je ressentais les deux coups traditionnels nets et précis, en même temps que ma chair s’horripilait.

Décidément, cela devenait curieux ; il n’y avait plus à s’y tromper, et je savais on ne peut mieux à quoi m’en tenir. Le grand-maître n’était vraiment pas un charlatan, mais bien un luciférien de premier ordre, et, qui plus est, un recruteur du Palladisme.

Après cet exorde mimique, il vint au milieu de la salle et s’assit devant la table, ayant déposé son épée et son pentagramme sur celle-ci.

— Très illustres frères, vaillants et parfaits initiés, voici Pal, mon médium inspiré, dit-il, en nous présentant le personnage sur lequel dès lors notre attention se porta un instant.

Rien de particulier à signaler chez lui. C’était un homme quelconque, qui ne me disait rien à l’esprit et ne me rappelait rien.

— Et maintenant, continua le grand-maître, commençons. Que onze Mages Élus s’agenouillent et s’unissent à moi par la prière, pour invoquer le Dieu-Bon.

Onze assistants s’agenouillèrent. Alors, la voix du président du Lotus de Berlin s’éleva dans le silence ; il prononçait l’invocation suivante :

« — Dieu-Bon, toi qui es ici-bas le maître de toutes choses, daigne permettre à quelques-uns de tes auxiliaires de venir se mêler à nous, nous apporter les témoignages de ta puissance et de ta bonté. Toi qui jamais n’abandonnes ceux qui ont mis leur confiance en toi, raffermis nos volontés, encourage nos énergies, fortifie nos espérances, donne-nous un gage de ta protection. Dieu-Bon ! Dieu-Bon ! Dieu-Bon ! sois avec nous, nous tes fervents, tes apôtres, Dieu-Bon ! Dieu-Bon ! Dieu-Bon ! »

Je n’eus pas le temps de réfléchir ; car maintenant les coups saccadés pleuvaient pour ainsi dire sur mon épaule droite, de plus en plus, à mesure qu’il parlait. Ma chair s’horripilait, et je sentais par moment des bouffées chaudes qui me rasaient la face, comme les rafales qui précèdent l’orage, entremêlées de grosses gouttes d’eau tiède qui tombent sur le sol avec un clac sec.

Je regardai mes voisins, puis l’assistance entière. Eux aussi semblaient ressentir les mêmes étranges phénomènes que je ressentais ; ils paraissaient livides dans l’obscurité, je devais donc être livide aussi.

Soudain, pendant que le gaz s’éteignait brusquement sans que personne eût tourné les robinets, et qu’un sentiment de froid me saisissait,