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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/675

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la première phase ; au tour de la catalepsie à présent. Un petit coup de tamtam : avec des gestes hiératiques, raides, automatiques, les derviches dépouillent leurs manteaux et apparaissent en simples robes de laine blanche, et les voilà commençant à tourner, les bras catalepsiés en croix, le buste immobile, et pivotant sur leurs talons.

Peu à peu, la voix des flûtes monte, aiguë, au milieu d’une pluie de petites notes perlées ; le grondement des tambourins s’y mêle maintenant, éclatant en coups précipités ; et le somnambulisme chez les derviches suit aussi et remplace l’état cataleptique. Plus de raideur, dès lors ; suivant la cadence, le mouvement de la valse s’accélère, devient vertigineux et fou : les têtes s’inclinent mollement sur les épaules, les yeux se ferment à demi comme noyés d’extase ; les corps se distinguent à peine dans le tourbillonnement des jupes qui se gonflent, s’étalent, s’arrondissent, légères et papillottantes. Et la valse continue toujours ; elle s’accélère encore ; les secondes succèdent aux secondes, les minutes aux minutes ; un quart d’heure, une demi-heure, trois quarts d’heures s’écoulent, et les derviches tournent toujours. La nausée vient avec le vertige chez ceux qui regardent ce tourbillon.

À présent, on ne distingue plus rien ; c’est une énorme masse molle et moite qui flotte, danse et tourbillonne ; une heure s’est passée, et les derviches tournent toujours.

Mais voici venir la fin de la crise. Un petit coup de tam-tam, et tout brusquement s’arrête, tous les derviches s’abattent, prosternés sur le sol. Quelques secondes à peine pour reprendre entièrement connaissance, et rechaussant ses babouches, chacun d’eux s’en va, l’air gourd, un peu étonné, comme s’il ne se souvenait de rien de ce qui vient d’avoir lieu.

Chez les hurleurs, c’est à peu de chose près la même crise.

La scène se passe aussi à Kassim-Pacha, un peu plus loin, dans un petit couvent en planches, d’aspect plus misérable encore que le premier. La cérémonie vient de commencer ; regardons.

Au fond d’une longue salle, une quinzaine d’hommes debout, serrés coude à coude, se balancent, d’un mouvement rythmique, comme des ours en cage, et crient faiblement : « Allah ! Allah ! » Le large turban rouge oscille aux secousses de leurstétes, comme d’énormes citrouilles au bout d’un bâton. Planté devant eux, un vieux cheik barbu, maigre et pâte, les excite de la voix et du geste, et frappe du pied énergiquement pour accentuer la cadence, très vénérable et très décoratif, tout de pourpre habillé, turban, robe et manteau. Attention ; un coup sec, frappé par le vieux dans ses mains, va déterminer la crise. Toujours l’obnubilation, l’inhibition d’abord ; puis la contracture cataleptique du larynx.

Sous cette influence, peu à peu l’invocation, répétée à l’infini, devient