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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/696

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environnée de noir et d’une fumée infernale, qui, entourant toute la partie sensible de son âme raisonnable, ne permettait pas à la partie spirituelle de respirer dans la plénitude de sa liberté. Elle avait ainsi perdu le parfait usage de ses sens et de ses opérations propres ; elle poussait des cris on faisait des actions qui n’avaient aucun sens. La substance du démon ne peut donc pénétrer la substance de l’âme humaine ; il agit uniquement par ses attributs sur les attributs de l’âme, sur ses puissances corporelles ou sensibles dont il s’est emparé, qu’il possède et dont il dispose à son gré. Alors, il se manifeste une si étonnante division, un dualisme si terrible, qu’il semble qu’il y a non plus une, mais deux personnes, dont l’une est soumise à un dur esclavage, tandis que l’autre domine et étend son pouvoir bien au delà des forces naturelles à l’homme.

À la vérité, nous ne connaissons pas les bornes de sa puissance : s’il ne dépendait que de lui, il attirerait à soi toute la terre et toutes les créatures, il ferait du ciel son siège, et de la terre l’escabeau de ses pieds. Mais il est certain qu’il ne peut rien sans la permission de Dieu ; avec cette permission, il peut faire beaucoup de choses supérieures aux forces de l’humanité. Dieu accorde rarement ces permissions qui troubleraient l’ordre de la nature et pourraient être prises pour des miracles. Mais jamais il ne lui permet de forcer la liberté de l’homme pour l’entraîner au péché. Il en est de même de tous les agents naturels : la mer pourrait engloutir toute la terre ; mais le Tout-Puissant lui a dit : « Tu iras jusque-là, et tes flots se briseront à un grain de sable. » La foudre pourrait tout écraser, la grêle tout briser, les bêtes féroces tout dévorer, le feu tout consumer ; mais tout est entre les mains de Dieu, qui prescrit à chacun ses bornes. Ainsi le démon ne peut que ce que Dieu lui permet.

Puisqu’il en est ainsi, quelles sont donc les causes de la possession ? On peut considérer ces causes de la part de Dieu, de la part du démon ou de la part de la personne possédée.

Dieu n’est jamais la cause directe de la possession ; il la permet. Satan demande à Dieu de lui laisser ravager les richesses de Job et d’affliger son corps ; il n’ose entrer dans le troupeau de pourceaux sans son ordre. Sa volonté est perverse ; mais il ne peut pas ce qu’il veut, il ne peut que ce que Dieu lui permet : « Non est potestas nisi a Deo », dit saint Paul. Saint Grégoire explique par une comparaison la conduite de Dieu en cela. Un médecin, dit-il, applique les sangsues à un malade. La sangsue tirera autant de sang qu’elle pourra ; son intention, son instinct est de se gorger de plus de sang possible ; mais, le médecin, lui, a une toute autre intention ; son désir est de ne tirer que le mauvais sang pour guérir son patient, et en conséquence il veillera à ce que la sangsue ne tire que le mauvais sang. Dieu fait de même, en permettant au démon de tour-