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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/728

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« Il ne faut pas non plus supposer cet homme frappé au moral. Le père J*** habite Saint-Mandé, près d’Aulnay. C’est un des meilleurs et des plus rudes travailleurs de l’endroit. Depuis cette aventure, il croit en Dieu et ne contrarie plus sa femme allant à la messe. Son fils est incorporé, depuis un an, dans la garde républicaine, de Paris ; c’est un garçon honnête, intelligent ; il n’ignore point cet épisode de l’existence de son père. »

En ce qui me concerne, je ne trouve, dans cette histoire, rien qui puisse la faire classer dans la catégorie des hallucinations, dont j’aurai à parler plus loin.

Nous sommes en présence d’un narrateur réunissant toutes les garanties de véracité : il est excellent catholique ; il connaît personnellement le cultivateur de Saint-Mandé, dont il s’agit ; il est homme de raison et de jugement sain ; il atteste que l’obsédé J*** est incapable de mentir, d’une part, et possède, d’autre part, une somme de courage et de bon sens telle qu’il n’a pu se faire illusion. Donc, le fait est vrai.

Qu’en conclure alors ?

C’est que c’est la réellement un cas d’obsession, où le diable, ayant affaire à un homme qui ne pratiquait pas la religion, qui se laissait aller parfois à jurer et blasphémer, a cru adroit de chercher à l’impressionner par une démonstration surnaturelle de nature terrifiante ; il voulait le conquérir par l’intimidation, en faire son esclave, lui prouver qu’il existe autre chose que le matériel, mais cela pour l’influencer peu à peu, — si l’obsédé, faible d’esprit, s’y était prêté, — dans le sens des intérêts de sa malice infernale.

Cette fois-là, comme en beaucoup d’autres cas semblables, Satan en a été pour ses frais ; il a fait fausse route. L’obsédé était tout le contraire d’un poltron ; il ne s’est pas laisser intimider ; il ne s’est pas jeté à genoux, tremblant, devant l’apparition, la suppliant de ne pas lui faire du mal et prêt à souscrire à ses exigences.

Le père J*** a été ému, comme on le conçoit sans peine ; mais il avait, à défaut de foi chrétienne, le caractère énergique et bien trempé, le cœur assez ferme pour ne pas se laisser envahir par la terreur. Il a opposé une résistance courageuse au démon ; et dans cette affaire, on le voit, c’est le diable qui s’est trouvé être un parfait imbécile. Sa méchanceté s’est retournée contre lui ; il n’a réussi qu’à faire d’un incrédule un croyant.

Et cela prouve, une fois de plus, qu’il n’y a dans l’univers qu’un seul et unique Souverain Maître, qui est notre Dieu, et non l’archange révolté, fausse divinité des palladistes ; cela prouve que Dieu fait toujours bien ce qu’il fait, que tout ce qu’il ordonne ou tolère est réglé par une suprême