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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/783

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mies qui ravagent les âmes ; qu’en un mot, le mal moral, dans sa marche à travers le monde, est condamné à traîner sur ses pas des maux physiques, comme un corps en mouvement traîne son ombre après lui. Dieu a jugé qu’un univers matériel, qui ne serait que le serviteur de sa bonté, serait moins digne de sa sagesse que celui qui est aussi le ministre de sa justice. Nous concevons ainsi que l’absence apparente de sa bonté, dans les calamités du monde physique, est, au fond, la présence de sa justice dans le monde moral, et que ce qui semble être un désordre particulier n’est en réalité qu’une sublime condition de l’ordre universel.

Cette doctrine est résumée, sous une forme touchante, dans une prière que l’Église a prescrite à ses ministres d’offrir à Dieu dans les temps de mortalité. Elle est conçue en ces termes : « Faites, Seigneur, nous vous en supplions, que l’oblation de ce sacrifice vienne à notre secours, afin que, par sa puissance, elle nous affranchisse de tous nos égarements, et qu’elle nous fasse échapper aux incursions de tout ce qui vient pour nous perdre. » Dans cette prière, l’Église a particulièrement pour but de prévenir ou d’arrêter les effets du fléau ; mais elle ne le nomme pas en première ligne, elle nous fait d’abord monter jusqu’à son principe ; elle demande, avant tout, que nous soyons délivrés de nos péchés, parce qu’elle sait que les meilleures prières contre les maux physiques doivent commencer par reconnaître, avec une humble foi, qu’ils ont leur source première dans les désordres du monde moral, et qu’il faut détourner le cours de la justice pour retrouver la bonté.


Ce que Mgr Gerbet disait des fléaux, on peut le dire de l’obsession et de la possession. Ce ne sont pas des « balivernes », selon l’expression des sceptiques ; ce sont bel et bien des faits réels, où le surnaturel éclate avec la dernière évidence, dès qu’on veut prendre la peine d’observer. Et ces cas sont des épreuves divines ; ils ont une raison de se produire qui nous échappe, mais qui n’en existe pas moins.

Tout récemment, un cas très caractérisé de possession était constaté aux environs de Paris, — j’en parlerai plus loin dans ce chapitre ; — dans cette grave affaire de l’exorcisme de Gif, les feuilles boulevardières ne trouvèrent qu’un thème à plaisanteries.

À ce propos, M. le chanoine Mustel, qui est à la fois un érudit et un vaillant, donna, dans la Revue Catholique de Coutances, une leçon bien méritée aux catholiques légers d’esprit, qui, au lieu de se rendre compte des choses, sont toujours portés à se moquer.

Abordant ici un des plus graves problèmes du surnaturel, je dois montrer à mes lecteurs qu’en écrivant ce livre je ne me suis nullement fourvoyé ; aussi, est-il indispensable que je cite, dès le début, les écrivains ecclésiastiques les plus compétents.

« Grâce à l’éducation rationaliste qui, depuis un siècle, étouffe la foi dans les âmes baptisées, dit M. le chanoine Mustel, tout ce qui est surnaturel ou extra-naturel, miracle divin, prestige diabolique, grâce inté-