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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/814

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l’abbé prévaricateur et démoniaque. Un nouvel abbé, Dagobert, secondé par des moines pieux venus de Cluny, rétablit la règle ; mais bientôt, il est empoisonné à son tour, et la bacchanale diabolique reprend de plus belle autour de Farfa. Elle dura jusqu’au règne d’Othon III, à la veille de l’an 1000.

Alors, le moine assassin de Dagobert entreprend, on ignore dans quel but, de gravir le mont Gargano, au haut duquel habitaient de dignes religieux, propagateurs de la dévotion à saint Michel. On sait que l’histoire ecclésiastique rapporte trois apparitions principales de l’archange, dont la première eut lieu précisément sur le mont Gargano, en Italie, en l’année 462 ; en ce temps-là, les habitants de Naples assiégèrent Siponte, ville située dans la Fouille, près de la montagne que je viens de nommer. Saint Michel intervint miraculeusement et défendit la cité. Ce fut donc le mont Gargano que le moine apostat essaya de gravir ; il en tenta l’escalade à plusieurs reprises, durant toute une année ; chaque fois, il fut repoussé par une force mystérieuse ; finalement, il dégringola un jour et disparut dans un précipice.

À cette même époque, on vit reparaître des « clercs errants », vêtus cette fois de rouge, parcourant encore les campagnes, jetant l’effroi dans les monastères, tenant des propos obscènes aux prêtres qu’ils rencontraient, les poursuivant, les injuriant, chantant et célébrant dans les carrefours un office monstrueux, que ces suppôts de l’enfer appelaient « la messe de Bacchus ».

Tout cela, on le voit, n’était pas bien naturel, et il faudrait une forte dose de parti pris, un aveuglement des plus incurables, pour soutenir que de tels événements sont chose très ordinaire, que le diable n’y était pour rien.

Puis, le père du mensonge s’attaqua au Saint-Siège même, en l’enveloppant d’un réseau de noires calomnies. La chaire de Pierre était occupée par Silvestre II (Gerbert), qui appartenait à l’ordre des bénédictins ; moine, il avait toujours été irréprochable ; pape, il fut un génie, un des pontifes dont l’Église s’honore le plus.

Satan procéda contre lui par les insinuations venimeuses ; il se vanta d’avoir Gerbert au nombre de ses adeptes secrets ; tous les faux bruits possibles et imaginables étaient répandus dans la chrétienté pour discréditer le successeur du chef des apôtres. On retrouve, dans les chroniques du temps, les traces de cette suspicion sans fondement, où Silvestre Il était tenu. Le diable, vaincu par la vertu du Saint-Père, se vengeait en répétant partout qu’il avait été victorieux, et nombre de catholiques croyaient sincèrement que le Souverain Pontife se livrait en cachette aux pratiques de la sorcellerie.