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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/834

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plus ardents pour qu’il persévère dans l’expiation et qu’il finisse sa vie en redevenant tout à fait digne de Dieu. À Rome, on sait bien de qui je veux parler. Je pourrais en mentionner d’autres.

La seule différence qui existe entre les deux époques tient aux mœurs publiques, lesquelles ont changé. De nos jours, Arefaste n’aurait sans doute pas agi comme il l’a fait. Après s’être introduit dans la secte pour en surprendre les criminels secrets, il n’aurait pas, je crois, envoyé sa dénonciation à son évêque et au président de la République.

Aujourd’hui, le chef de l’État aurait ri au nez d’Arefaste. Cela lui est bien égal, allez, qu’il y ait sur le territoire français des temples secrets où l’on rende un culte à Satan ! Depuis longtemps, d’ailleurs, la loi contre le sacrilège est abolie. Sophia, qui connaît un peu tout, me montrait, un jour, un état fort bien fait, ma foi, dressé par elle, de la législation dans tous les pays du globe, au point de vue de la répression ou de l’impunité du sacrilège. Elle me disait : « Dans tel pays, nous pouvons aller jusque-là ; dans cet autre, nous sommes obligés de nous arrêter à telle limite ; ici, nous n’avons absolument rien à craindre ; là, au contraire, nous sommes forcés de changer totalement notre liturgie et nous ne pouvons donner à nos adeptes qu’un enseignement à demi-mot ; à eux de comprendre et d’accomplir isolément chez eux, à leur manière, et selon leur inspiration personnelle, les actes agréables à notre Dieu. » Je ne suis pas jurisconsulte, et j’ignore si Sophia était bien renseignée à cet égard ; mais, d’après elle, il paraîtrait qu’en France les palladistes peuvent, même étant réunis, se livrer à tous les excès de profanation, sans avoir rien à craindre des tribunaux. Il est donc évident que le président de la République aurait envoyé promener Arefaste dénonciateur.

Quant à nos évêques, je les respecte trop pour formuler la moindre critique en ce qui les concerne. Les conditions, dans lesquelles ils peuvent exercer aujourd’hui leur autorité, sont lamentables, et sont la conséquence de la Révolution, ce boulet que l’impiété philosophique a rivé aux pieds de la France. Ils sont réduits à l’impuissance ; l’État prétend les assimiler à ses autres fonctionnaires, sous le prétexte menteur du budget des cultes, qui n’est en réalité qu’une très minime et très incomplète restitution des biens volés au clergé. Les évêques ne peuvent donc agir, dans la plénitude de la liberté qui leur serait nécessaire ; les temps ne sont plus, où ils pouvaient juger, avec l’assistance et la coopération du pouvoir civil, les scélérats accusés de sacrilège, c’est-à-dire du plus grand crime qui se puisse commettre ; où, leur jugement prononcé, ils livraient les coupables au bras séculier ; et où ils présidaient au châtiment, terrible, mais juste.

Même en écartant cette impossibilité de la répression matérielle, du