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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/952

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moniaque des triangles palladiques, c’est-à-dire un cas bien caractérisé de possession active.

Mes exemples seront : Rosa, une des grandes hystériques de France, et la Ingersoll, une des grandes démoniaques des États-Unis. En dehors des Charcot, Luys et consorts, la première a été étudiée et suivie et la Salpêtrière par un véritable savant catholique, M. l’abbé Élie Méric ; la seconde, Albert Pike lui-même nous l’a présentée dans son récit de voyage, que j’ai reproduit (voir, page 360, le passage qui la concerne). En outre, j’ai eu personnellement l’occasion de voir la Ingersoll et de l’étudier de très près.

Voici d’abord Rosa l’hystérique. C’est une femme ayant dépassé la cinquantaine, sèche, maigre, ridée, aux veines apparentes, portant un costume banal. « Ses traits, écrit M. l’abbé Méric (le Merveilleux et la Science), expriment la contrariété, la lassitude, l’ennui ; sa démarche est lourde et somnolente. » Quiconque l’a vue garde le souvenir de sa physionomie souffreteuse ; le médecin n’oublie pas ce sillon nase-buccal prononcé, cette bouche aux lèvres pincées, ces yeux vagues aux sourcils contractés ; et c’est là, en effet, l’aspect de l’hystérique, son habitus général, sa façon d’être, qui, ainsi que je l’ai déjà indiqué, dénonce la névrose, la tare congénitale. Rosa a l’empreinte indélébile de la maladie inguérissable qui la mine ; il n’y a pas à s’y tromper.

« Le docteur (il s’agit de Charcot) l’appelle, elle approche, ses yeux évitent la lumière extérieure dont l’éclat la fatigue ; elle tombe subitement sur sa chaise, plongée dans l’état léthargique. Le docteur s’est contenté de la presser aux coudes ou elle a des points hypnogènes, et la production du sommeil est instantanée.

« C’est la première phase du sommeil hypnotique. La position inclinée de la tête, l’occlusion des paupières, l’abandon des bras jetés le long du corps, la résolution absolue et générale des membres, tout indique l’abattement, la prostration qui succède ordinairement à une grande fatigue. Elle ne voit pas ; elle n’entend pas ; elle ne sent pas ; toute communication avec le monde extérieur paraît coupée, interrompue ; elle a les apparences et les abandonnements de la mort. Cependant, la vie végétative existe et continue son travail secret et profond de nutrition : elle respire, le sang circule, la vie sourde chemine à travers les innombrables chemins de ce corps et dans ses replis infinis ; ce n’est plus l’être humain, c’est la plante avec ses phénomènes de nutrition. Le docteur crie à ses oreilles, elle n’entend pas ; il la pince fortement, elle ne sent rien ; l’insensibilité ou l’anesthésie est absolue. Quel est l’état de l’âme ou de la conscience et de la pensée à cette première période du sommeil hypnotique ? Il est impossible de le savoir, les appareils graphiques ne peuvent rien nous apprendre, et la mémoire est abolie (amnésie)…

« … La sensibilité a disparu, la conscience n’existe plus, son action est suspendue, l’activité cérébrale est paralysée ; mais l’irritabilité de la moelle épinière est à son plus haut degré.