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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/956

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épingle et qu’elle doit lui obéir. Il essaie de faire naître cette conviction dans cet esprit affaibli. Puis, il la réveille.

« Elle avance timidement vers le bureau. Mon regard la trouble ; elle prend un livre d’un air embarrassé et fait le simulacre de lire ; elle cherche l’épingle. À ce moment, je m’approche d’elle, et je lui dis avec autorité : « Vous avez envie de faire une mauvaise action, de voler cette épingle ; c’est très mal de voler. Vous pouvez, si vous le voulez, résister à la tentation. Éloignez-vous ! » Elle me regarde d’un air, étonné, et, attristée dans sa confusion, elle regagne sa place et tombe brusquement sur sa chaise.

« J’ai fait plusieurs fois, en d’autres circonstances et dans d’autres lieux, cette même expérience, et j’ai toujours obtenu le même résultat. Un ordre impérieux abolissait la suggestion, et l’hypnotisée résistait à la tentation, comme si elle était dominée et domptée par une force supérieure. »


Voici donc, rapportée par un théologien, l’observation médicale d’une hystérique ; c’est, au point de vue catholique, un document d’une valeur considérable. Il démontre, en effet, que Rosa, la grande hystérique de la Salpêtrière, exécute tout bonnement ce que toutes les hystériques exécutent, rien de plus, rien de moins. C’est banal.

Notez que je ne dis pas que Rosa n’exécutera jamais rien autre ; je constate que jusqu’à présent elle en est là, et que tout ce qu’on a toujours obtenu d’elle ne sort pas du domaine du naturel. Mais si, un de ces quatre matins, les Salpétrières nous apprenaient que leur Rosa se met, par exemple, à converser en chinois avec un professeur de l’École des langues orientales ou à vomir un chien vivant à la fin d’une de ses crises, il ne faudrait pas en conclure que c’est en tant qu’hystérique qu’elle se livrerait à de pareils exercices. Ah ! non, certes ; ceci ne serait plus, mais la plus du tout, de l’hystérie.

Évidemment, c’est au diable, père de toutes les maladies, que nous devons l’hystérie ; ennemi de l’humanité, il s’ingénie à trouver mille moyens de nous faire souffrir, il invente sans cesse de nouveaux fléaux ; depuis la grave faute commise par nos premiers parents au paradis terrestre, il a pouvoir de bouleverser le corps humain, œuvre magnifique de Dieu. Néanmoins, lorsqu’il a imaginé un nouveau mode de bouleversement, une nouvelle maladie, celle-ci suit une marche, que la médecine étudie, constate, et elle cherche alors à découvrir le remède qu’il convient d’opposer à ce mal ; c’est ainsi que la maladie, tout en étant l’œuvre du démon, agissant avec la permission de Dieu, est une chose naturelle. Et, de même que Satan produit une maladie, que la médecine, art humain et naturel, s’efforce de combattre, de même le ciel, par faveur spéciale envers tels et tels malades, atténue ou même supprime tout à fait la maladie, en dehors de toute action médicale ; telles sont les guérisons miraculeuses, obtenues par la prière, par la foi, par effet de la grâce